Le mouvement mennonite trouve son origine dans plusieurs mouvements anabaptistes nés au temps des réformes protestantes. Dans les années 1520, en Suisse, un groupe de jeunes « zwingliens1 » se structure autour de plusieurs idées : une foi volontaire et le refus du pédobaptême2, la séparation de l’Église des autorités politiques, et la non-violence biblique selon les enseignements du Christ.

Ce refus de la violence était présent depuis les débuts du mouvement, mais a été débattu dans le contexte du soulèvement paysan de 1527. Un positionnement clair est adopté dans la première confession de foi anabaptiste : « … se détacheront aussi de nous, par la puissance de la parole de Christ [qui dit] : “Vous ne devez pas résister au méchant”, les armes diaboliques de la violence, telles qu’épée, armure et autres choses semblables, avec toutes leurs utilisations, en faveur de nos amis ou contre nos ennemis. »

Une non-violence longtemps passive

Cette position est partagée par les anabaptistes néerlandais (appelés alors mennonites, en référence à Menno Simons3 ) après 1536, et ceux de Moravie, les houttériens. Ces trois mouvements, rudoyés par les catholiques et les protestants, doivent vivre clandestinement ou émigrer vers des territoires où les autorités politiques les tolèrent. En échange de promesses de ne pas « faire de bruit », les anabaptistes bénéficient souvent d’une exemption du service militaire, notamment en France, jusqu’à l’époque napoléonienne. 

Pendant de longues années, la non-violence mennonite s’exprime de façon « passive » par ce refus du service militaire. Pourtant, l’assimilation culturelle et le poids de la différence poussent un nombre important de mennonites à renoncer à leurs convictions. Nombre d’entre eux se retrouvent dans les armées française, allemande, russe, américaine et canadienne.

La violence des deux guerres mondiales pousse cependant les mennonites à retourner à leurs racines et, à partir du milieu du XXe siècle, des efforts sont déployés pour développer une théologie et une pratique de la non-violence.

Suivre le Christ sur le chemin de la paix

En Amérique du Nord, à l’époque de Martin Luther King, la non-violence « passive » des mennonites chemine vers une non-violence « active » et la recherche de moyens non violents de résolution de conflits, la justice restauratrice, etc. En Europe, des mennonites sont à l’origine de la « Décennie pour vaincre la violence » du Conseil œcuménique des Églises. Le rapport du dialogue bilatéral récent entre mennonites et catholiques est intitulé Appelés ensemble à faire œuvre de paix.

En France, un positionnement clair stipule, dans une confession de foi récente : « Conduits par le Saint-Esprit, nous suivons le Christ sur le chemin de la paix, nous exerçons la justice, apportons la réconciliation et pratiquons la non-résistance, même en temps de trouble et de guerre. »

Dans les convictions communes élaborées par les Églises membres de la Conférence mennonite mondiale4 , les mennonites affirment que l’Esprit de Jésus les rend capables de faire confiance à Dieu dans tous les domaines de la vie, de sorte qu’ils deviennent artisans de paix et renoncent à la violence, en aimant leurs ennemis, en recherchant la justice et en partageant leurs biens avec ceux qui sont dans le besoin.

Les prises de position ne correspondent pas toujours à la réalité, mais il existe de véritables efforts pour cheminer dans ce sens.

Par Neal Blough, docteur en théologie, anciennement directeur du Centre mennonite de Paris et professeur émérite à la FLTE5

1 Ulrich Zwingli (1484-1531) est un des principaux artisans de la Réforme protestante en Suisse.
2 Baptême des enfants.
3 En 1536, Menno Simons dirige les fidèles anabaptistes dans une voie non violente vis-à-vis de leurs persécuteurs.
4 Ces convictions communes rassemblent cent neuf unions d’Églises dans cinquante-neuf pays.
5 Faculté libre de théologie évangélique (Vaux-sur-Seine)