Un voyageur qui traverserait le terroir de la commune d’Archigny, village au sud de Châtellerault dans la Vienne, risque de ne pas remarquer une série de fermes aux murs de pisé, si ce n’est par leur alignement et leur plan symétrique. L’une arbore – semble-t-il à première vue – un drapeau français mais dont le bleu est orné d’une étoile. Nous sommes devant un lieu de mémoire acadien, témoignant d’une histoire complexe et ancienne reliant le Canada francophone et le Poitou.
Au XVIIe siècle, la France colonise le Canada exploré par Jacques Cartier au siècle précédent. Deux pôles de peuplement se constituent dans la Nouvelle-France ; le plus important dans la vallée du Saint-Laurent, entre Québec et Montréal, l’autre dans les provinces atlantiques du Canada, entre Terre-Neuve et l’actuel Nouveau-Brunswick. Comme pour compenser sa rudesse climatique, l’endroit est surnommé « Acadie », forme altérée du nom « Arcadie » une contrée de la Grèce ancienne à la réputation (faussement) idyllique.
Une période sombre
Mais quand le Canada français se vit convoité par les Britanniques solidement implantés dans les colonies de Nouvelle-Angleterre, l’Acadie excentrée fut annexée par la Couronne anglaise en vertu du Traité d’Utrecht de 1713. Commença alors une sombre période pour les Acadiens, perçus comme un corps étranger par les Britanniques et soupçonnés de trahison potentielle au profit de la France. Les persécutions culminèrent en 1755 avec la destruction par le feu des villages acadiens et la déportation violente de leur population, épisode connu sous le nom de « Grand Dérangement ». Les Acadiens furent dispersés dans les treize colonies de l’Amérique anglaise, en Louisiane (où ils formèrent la communauté des Cajuns) ou dans les Caraïbes : mais quelque 2500 d’entre eux parvinrent par vagues successives à revenir en France, qu’ils avaient quittée 150 ans auparavant.
La France de Louis XV accueillit avec une certaine compassion […]