Elle sera la seconde épouse d’Henri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne et prince de Sedan, compagnon d’armes du roi Henri IV. Après le décès de son mari, elle sera régente de la principauté de Sedan, territoire qui, coincé entre les Pays-Bas espagnols, le royaume de France et le Saint-Empire germanique, joue un rôle clé dans l’accueil des huguenots chassés de France. Fervente protestante, elle a laissé une correspondance très fournie qui nous fait mieux comprendre la tension à l’intérieur même des familles entre catholiques et protestants.
Une vie mouvementée
Élisabeth a 5 ans lorsque son père est assassiné. Sa mère étant décédée également, elle sera élevée par Louise de Coligny, quatrième épouse de Guillaume le Taciturne et fille de l’amiral Gaspard de Coligny. Elle n’en a que 18 lorsqu’elle épouse Henri de la Tour d’Auvergne, qui en a 40 et qui est veuf. Le couple aura huit enfants, dont le cadet, maréchal de Louis XIII, sera appelé « le grand Turenne ». Henri s’est converti au protestantisme vers 1576 et son premier mariage avec Charlotte de la Marck, duchesse de Bouillon, le fait entrer dans une famille huguenote fervente. Henri est brillant, bon administrateur de ses terres, mais c’est un intrigant né. Il est de tous les complots : contre Catherine de Médicis mais surtout contre Henri IV. Ces rebellions des grands seigneurs se font sur fond de lutte de pouvoir à la cour des rois de France et de la lutte sans merci entre nobles protestants et catholiques.
Une régente dévouée
Henri de la Tour meurt en 1623, laissant Élisabeth régente pour le compte de son fils aîné, Frédéric-Maurice. Déjà rompue à cet exercice pendant les nombreuses absences de son mari retenu à la cour ou parti en guerre, elle porte une attention particulière à l’Académie de Sedan, célèbre université protestante, à l’académie militaire et à l’impri- merie qui ont été créées par son époux. Elle laisse également une abondante correspondance, avec ses sœurs, dont une était abbesse de Ste-Croix de Poitiers, ainsi qu’avec ses fils et neveux. Elle s’y renseigne sur leur santé mais aussi sur leur foi, étant particulièrement attristée par la conversion de son fils Frédéric-Maurice au catholicisme. Comme elle le lui écrit :
Mon fils, je vous redirais encore que le tourment où me met vostre aveuglement, […] sy je n’espérois que Dieu en sa grande miséricorde vous réveillera, et que son courroux sera flêchy par les prières de tant de gens de biens quy, humiliés à ses pieds, implorent sa grâce pour vous, afin que vous puissiez encore estre regardé en cest compassion et illu- miné de sa sainte congnoissance, en laquelle vous avés esté noury et esle- vé par feu M. vostre père et par moy quy meurs d’afliction pour vous trop […] de vous voir quiter la lumière céleste pour embracer les ténèbres des traditions des hommes an quelle confusion sur vostre fasse. (Lettre de Turenne, 27 octobre 1636)
Vicomtesse de Turenne
Élisabeth n’oublie pas non plus la vicomté de Turenne, en Corrèze, qu’elle visite régulièrement avec ses enfants. Terre quasiment autonome par rapport à la Couronne, c’est un haut lieu du protestantisme en Sud-Ouest. Car Henri de la Tour, proche de Henri IV, avait obtenu de celui-ci, après l’Édit de Nantes, que Turenne devienne une place forte. Durant une centaine d’années, le bourg de Turenne fut donc peuplé d’artisans et de marchands protestants.