Philippe Duplessis-Mornay naquit au cœur des guerres de religion, d’un père catholique et d’une mère secrètement convertie au protestantisme qui instruisit ses enfants dans la religion réformée. Pour comprendre l’importance prise par Duplessis-Mornay qui marqua son époque en tant que théologien, écrivain et polémiste, homme politique, diplomate, conseiller influent du roi, il faut prendre conscience de la profondeur de sa foi et de la sincérité de son engagement religieux. Il mit sa vie au service de la cause réformée, « la vraie religion », comme il avait coutume de la désigner.

Une culture encyclopédique

Son enfance et sa formation lui permettent d’acquérir un savoir de grande étendue et une culture quasi encyclopédique. Il parle et écrit le latin avec aisance, maîtrise le grec et l’hébreu. Il a visité plusieurs pays d’Europe et en parle les langues : allemand, anglais, néerlandais, italien.

Combattre pour la tolérance

Achevant en 1572 ses études à Paris dans un collège où il est connu pour sa foi protestante, il échappe aux tueurs de la Saint-Barthélemy. Il peut passer en Angleterre où il étudie le fonctionnement des institutions britanniques. Il s’affirme comme partisan déterminé de la tolérance, s’oppose à toute contrainte en matière de religion et condamne l’absolutisme. Le penseur politique qu’il devient élabore une théorie d’un contrat entre le peuple et le roi. « Aucun homme ne naquit jamais avec la couronne sur la tête et le sceptre à la main ». De 1574 à 1578, marqué par le massacre — véritable crime d’État — il comprend que pour assurer la survie de la « vraie religion », le débat théologique doit se doubler d’un efficace combat politique. Il publie Vindiciae contra tyrannos. 

Un texte vibrant et remarqué

Aussi, revenu en France, propose-t-il aux États-Généraux, réunis à Blois en décembre 1976 par Henri III, un texte vibrant et moderne : La Remonstrance aux Estats de Blois pour la paix ; un texte qui défend la liberté de conscience et de culte, l’égalité des droits entre catholiques et protestants, et propose les clefs d’une réconciliation civile.

« Premier ministre » à Nérac

Ce texte suscite l’intérêt d’Henri III de Navarre (futur Henri IV de France), qui appelle Duplessis- Mornay auprès de lui à Nérac, où celui-ci devient son principal conseiller, voire même un Premier ministre de fait. Pendant dix ans, Henri s’appuie sur une équipe de 150 personnes, originale par sa composition car elle associe protestants et catholiques, civils et militaires. Animant cette équipe, Duplessis- Mornay devient si proche du roi de Navarre qu’il ose tenter d’en réformer le mode de vie et les mœurs très libres, lui proposant d’organiser son emploi du temps : « Pardonnés encore un mot à vos fidèles serviteurs, Sire, les amours si découverts, et auxquels vous donnés tant de temps, ne semblent plus de saison. » Duplessis-Mornay, de vie grave et austère, est plus entendu sur le plan politique que sur le plan privé. Il négocie habilement le rapprochement du roi de Navarre, héritier du trône de France, et d’Henri III de France. Un accord est conclu en 1589 et donne satisfaction aux protestants sur un point important, celui des places de sécurité.

Gouverneur de Saumur

Bien que située en Anjou, territoire qui ne comporte aucune population protestante, celle de Saumur présente un intérêt stratégique considérable, celui d’assurer le franchissement de la Loire par les armées du parti réformé. Il importe de tenir solidement un tel avantage. Aussi Henri confie-il à son fidèle entre les fidèles la lourde tâche de gouverner fermement la place « en pays hostile » et de maintenir libre le passage des pays du Sud vers l’Île-de-France et Paris alors que la Ligue tient le Vendômois et l’Orléanais. Duplessis-Mornay est nommé gouverneur de Saumur le 15 avril 1589 au nom du roi Henri III, à la demande du roi de Navarre. Son autorité va dominer la ville pendant trente-deux ans.

Retrouvez la suite du portrait de Duplessis-Mornay au mois de juin.