Le mouvement de l’utopie, selon Jürgen Moltmann. Apparue dans les années 1960, la théologie de l’espérance de Jürgen Moltmann a répondu à une grande aspiration et suscité une dynamique qui s’est poursuivie à travers le temps. Cette dynamique se poursuit et garde toute son actualité comme en témoigne un petit livre publié chez Labor et Fides et intitulé : « Utopie ». Cet ouvrage reprend quelques textes fondateurs de Moltmann en les introduisant par un avant-propos de Marion Muller-Colard et en les accompagnant des éclairages de quelques théologiens. Nous présentons ici le premier des trois chapitres de Moltmann : « Utopie et pensée utopique ». La tonalité du chapitre nous apparaît dans cette profonde pensée : « La pensée espérante est la pensée des possibles » (p 17).
Du passé, du présent et du futur
Jürgen Moltmann nous appelle à réfléchir sur notre rapport avec le passé et avec le futur en passant par notre vécu du temps présent. « La vie humaine est le temps de l’histoire. Elle est en tension entre le futur et le passé. Le futur est le domaine du possible, le passé, celui du réel ; quant au présent, c’est la ligne de front sur laquelle des possibilités peuvent être réalisées. » Mais comment entrons-nous en rapport avec notre passé ? Comment notre mémoire s’exerce-t-elle et quel est son rôle ?
« Par le souvenir, nous rendons présentes les expériences passées, et par la mémoire, nous relions la réalité présente à la réalité passée » (p 13) ; Ainsi s’établit une « continuité rétrospective ». C’est la mémoire qui engendre également l’identité. « Aussi bien individuellement que collectivement, nous trouvons et confirmons notre identité grâce à une identification remémorant notre passé » (p 13). Notre ressenti de ces souvenirs peut être bien différent. Cependant, « ce passé peut influencer notre présent et notre futur, de telle façon que nous revenons toujours à ces évènements dont nous reconnaissons qu’ils font partie de notre histoire ».
Notre regard sur le futur est moins contraint. « Au regard de l’avenir, nous rendons présentes des expériences futures possibles par l’attente » (p 14). Là aussi, notre regard peut être différent. Ainsi, la peur nous rend inquiet, mais peut-être aussi pré-voyant. « Nous devenons « pré-voyant ». » Autrement, « dans nos espoirs, nous anticipons également le futur et nous imaginons ce que serait le devenir des choses si nos désirs et nos attentes étaient exaucés. Par l’espérance, nous nous figurons un avenir désirable et concevons plans et projets pour le réaliser. Sans espoirs, ni plans, ni projets, nous passerions, aussi bien individuellement que collectivement, à coté de nos […]