Cinq séries dans cinq registres, diffusées ces cinq dernières années et qui prennent toutes pour sujet la foi chrétienne. Le public a répondu présent, la critique aussi. Pourtant sur l’écran, c’est toujours un bout de notre nature humaine qui se reflète. Découvrez les scénarios et leurs enjeux :
Grantchester
Une série policière de plus ? Pas tout à fait ! Cette fois, le flic mène l’enquête au côté du beau et jeune prêtre anglican Sydney Chambers qui crève l’écran. A chaque épisode son meurtre à résoudre et son lot de suspects. Pourtant le crime est vite relégué au second plan et ce sont les doutes, sentiments et réflexions de ministre que découvre le spectateur. Sydney est un homme de son âge dont seul le costume distance du spectateur.
Tirée de la suite littéraire Les Mystères de Grantchester de James Runcie, la série britannique est diffusée depuis 2014 en Europe, aux Etats-Unis et en Australie. Elle nous emmène dans la campagne de Cambridge des années 1950. On suit les enquêtes, mais surtout le quotidien du jeune prêtre hanté par ses souvenirs de guerre et par Amanda dont il est épris. Observateur, attentif et à l’écoute, il est le confident des criminels autant que des villageois et devient indispensable à l’inspecteur Geordie Goodie, dont il partage le goût de l’alcool et le backgammon, prétexte
à philosopher.
Avec brio, Sydney sait rebondir face à l’omniprésence de la mort, le plus souvent dans son sermon qui clôt chacun des épisodes. Poussant à regarder de l’avant, il ne manque pas de rappeler que « seuls la foi, l’espoir et l’amour demeurent ». Pas de prosélytisme dans cette série qu’on peut regarder comme une autre série policière à l’anglaise aux plans soignés. Si l’homme au costume noir et au col blanc sert Dieu, il n’en est pas moins un homme de son époque, en avance sur les mentalités, et fait la démonstration de sa normalité, comme pour prouver que l’Eglise a toujours sa place dans la société.
The Bible
Dix épisodes d’une heure pour raconter la Bible. Un gros défi relevé, mais partiellement réussi. En cinq épisodes, on traite de l’arche de Noé, Abraham, Sodome et Gomorrhe, Moïse, Samson, David et Goliath ou Salomon, rien n’est oublié. Les cinq autres parcourent le Nouveau Testament, de la naissance de Jésus jusqu’à la révélation aux disciples. On revit son baptême, ses miracles, son dernier repas et sa mort sur la croix.
Mais les grandes histoires sont servies avec une surdose d’effets spéciaux, un diable digne d’un épisode de Star Wars et des anges mercenaires experts en arts martiaux, rien ne relève le niveau de jeu des acteurs peu convaincants. Cette mini-série raconte bien la Bible, mais vue à travers les yeux du couple de producteurs américains Roma Downey et Mark Burnett qui enchaînent les projets en lien avec la foi qui les anime, un secteur qu’ils trouvent mal desservi par l’industrie du divertissement.
En 2013, chaque épisode a tout de même réuni plus de dix millions de téléspectateurs aux Etats-Unis et a inspiré le film Son of God. Ce catéchisme spectaculaire nous laisse sur notre faim. La série ne nous rejoint pas. Les histoires y sont simplifiées et caricaturées. Ce condensé biblique ne fait en tout cas pas de mal.
Ainsi soient-ils
Ils sont cinq, ils sont jeunes et ils ont tous choisi d’entrer au séminaire des Capucins à Paris. Le téléspectateur suit leur quotidien, leur formation, leur arrivée en paroisse. Si on dé- couvre aussi une fiction sur les dessous de l’Eglise catholique d’aujourd’hui en France et au Vatican, ce sont surtout ces cinq jeunes qui nous tiennent pendant trois saisons. Écorché vif, naïf, homosexuel, fils de riche, ils sont tous différents, mais tous en chemin. Un chemin de vie, car ils sont jeunes adultes, et un chemin de foi, par leur choix. Certains bifurqueront et quitteront le séminaire. Mais tous apprennent sur eux-mêmes, au contact des autres séminaristes, de leurs formateurs, de la réalité paroissiale ou de la réalité de la vie.
Aucun thème de société n’est épargné : avortement, pédophilie, argent, maladie, réfugiés, suicide et j’en passe. La série use de nos codes et références pour aborder la complexité des relations humaines et s’ancrer dans notre réalité. « Le Royaume est là devant, mais ça a toujours déjà commencé », clôturera l’un des évêques.
Diffusée entre 2012 et 2015 en Europe et au Canada, elle a réuni un million de téléspectateurs français à chaque épisode et s’est vue récompensée de plusieurs prix. Mais elle ne fait pas l’unanimité. On lui reproche son manque de réalisme, son anachronisme et ses personnages caricaturés. La série reste bouleversante, le mieux est peut-être encore de la regarder.
The young pope
Des plans léchés, un casting de choix et un scénario travaillé, on se croirait au cinéma ! The Young Pope, c’est la dernière série qui parle de religion, sortie cet automne sur le petit écran et qui créé déjà la polémique. On y découvre un Pie XIII, incarné par Jude Law, le nouveau pape américain de 47 ans, fumeur, buveur, qui déjeune au Cherry coke et dont la beauté fait l’unanimité.
C’est surtout un pape à l’ego surdimensionné, qui prétend ne pas croire en Dieu et qui prône un retour à la tradition que découvre le téléspectateur. Contre les relations amicales, seules les relations formelles et les rites sont garants de l’ordre sur Terre. « Vous avez oublié Dieu » clame-t-il à la foule de la place Saint-Pierre à Rome. Il ne veut pas être une passerelle, mais créer le mystère et l’absence, en commençant par ne pas dévoiler son visage aux fidèles. Le jeune pape est contradictoire et oscille entre conservatisme et obscurantisme. Il choque. Au Vatican, on veut le remplacer.
Pourtant ce pape étonne et franchit les limites pour prendre la défense autant de son Dieu que des fidèles et finit par livrer un discours émouvant au balcon de la place San Marco à Venise. On peut s’indigner de l’image donnée de l’Eglise catholique par le réalisateur italien Paolo Sorrentino. On peut aussi dépasser le besoin de voir coller la fiction à la réalité. S’ouvrent alors des questions plus vastes sur le pouvoir détenu par un seul homme et sur le retour au fondamentalisme et à la tradition qu’on entrevoit dans notre société. Expression d’un mal-être partagé par une époque, la série dérange et c’est tant mieux.
Impastor
Buddy est accro aux jeux d’argent. Pour échapper à ses dettes, il prend la fuite et tente de se suicider en sautant du haut d’un pont. Mais un homme veut l’en empêcher. Comble de la situation, le bon samaritain glisse et meurt noyé dans le fleuve. Buddy Dobbs ne perd pas de temps et prend alors la voiture et, en même temps, l’identité de son sauveur. Il se retrouve dans la peau du nouveau pasteur gay de la congrégation luthérienne du petit village de Ladner dans l’Oregon. Démarre alors un enchaînement de situations cocasses et de quiproquo avec les personnages hauts en couleur du conseil de paroisse aux apparences traditionnelles bien éloignées de celles du personnage principal. Le nouveau révérend jongle entre sa nouvelle et son ancienne vie, tentant de survivre.
La série se veut humoristique, cynique, et si la religion ou la foi ne sont jamais bafouées, ce sont plutôt les comportements et les a priori des paroissiens aux traits caricaturés qui sont moqués.
Quant à Buddy, il ne se trahit jamais. Il reste le jeune citadin au franc-parler, aimant les femmes, les joints, l’alcool et les pizzas. Si le personnage est lui aussi caricatural, il évolue dans la série et laisse apparaître une aptitude à l’écoute, aux conseils avisés, dans un style inhabituel pour sa communauté d’adoption. Peu à peu, les paroissiens changent de regard sur leur pasteur, découvrant un homme pas si différent d’eux. Ils se détendent et se surprennent à vivre.
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Edition Genève du mois de mars 2017