En signifiant une neutralité de fait de l’État en matière religieuse – le catholicisme n’est plus que la religion de la majorité des Français – ces décrets s’intègrent dans le processus de laïcisation propre à la France et parachevé en 1905.

Mais les Articles organiques s’inscrivent aussi dans la chronologie particulière du protestantisme français : ils sont promulgués cent ans après la guerre des Camisards qui, avec la Révocation de l’édit de Nantes, représente le paroxysme de l’anti-protestantisme catholique et royal. À une échelle plus courte, une génération les sépare des dernières épreuves subies par le protestantisme du Désert et seulement treize ans de l’acte libérateur de la Révolution française.

Une reconnaissance officielle des cultes protestants

C’est donc un protestantisme rescapé et fragile qui se voit octroyer une liberté certes incomplète mais jugée probablement inespérée par la génération porteuse de la mémoire des persécutions.
Bonaparte avait agi en despote éclairé autant qu’en fils de la révolution en promulguant les Articles organiques dont le bénéfice allait être étendu au judaïsme français. En homme des Lumières à la spiritualité floue, il était sensible à l’égalité de traitement et se méfiait d’un anti-protestantisme source de désordre et d’immixtion de la papauté dans les affaires de la France ; en outre, ses ambitions européennes le conduisaient à envisager l’administration de territoires pluriconfessionnels. Et c’est de façon autoritaire qu’il organisa les cultes réformé et luthérien, n’ayant retenu des consultations menées par Portalis que ce qui l’intéressait.
Le premier acquis, à l’importance symbolique considérable, fut la reconnaissance officielle des cultes protestants, dont les représentants furent désormais invités aux cérémonies publiques ; les pasteurs recevaient un traitement de l’État mais étaient astreints à un serment de fidélité. Une faculté de théologie fut établie à Montauban (au lieu de celle de Lausanne). Une organisation d’esprit napoléonien prévoyait une Église consistoriale dès que 6000 protestants étaient décomptés : cela supposait des regroupements de paroisses, car en zone rurale, peu d’Églises locales atteignaient ce chiffre. Ainsi le protestantisme urbain se trouva favorisé, ce qui fit le jeu des notables, d’autant que le système électif propre aux Églises protestantes était limité par un régime censitaire excluant les couches populaires. Si les paroisses ne bénéficiaient pas d’organes délibératifs propres, rien n’existait non plus au-dessus des consistoires : les Synodes provinciaux et nationaux restaient interdits, car  […]