Ce qui caractérise l’identité arménienne c’est sa situation géographique, son histoire, sa civilisation, sa langue et sa religion. Au cours du premier millénaire de son existence ce sont bien sûr des croyances païennes qui prédominent mais le christianisme pénètre en Arménie dès le 1er siècle après Jésus-Christ et devient religion d’état en l’an 301 avec la conversion du roi Tiridate IV. C’est ainsi que l’Arménie est considérée comme la première nation chrétienne au monde, avec une foi qui va influencer les Arméniens dans tous les domaines de la vie : identité, spiritualité, culture, art…
Au niveau politique, l’Arménie va perdre l’indépendance de la Grande Arménie au 11e siècle et de la Petite Arménie (Cilicie) au 14e siècle. La domination turque des derniers siècles a été une grande épreuve pour les Arméniens qui, tout en vivant sur leurs territoires historiques, durent subir l’emprise de l’Empire ottoman. Les massacres de masse organisés par ce dernier contre la population arménienne à la fin du 19e siècle et le génocide perpétré par le gouvernement Jeunes-Turcs à partir de 1915, ont décimé près de 2 millions de personnes, soit environ les trois-quarts des Arméniens. Les survivants ont été chassés, ce qui a entraîné la création d’une diaspora arménienne au Moyen-Orient, en Europe (notamment en France) et en Amérique.
En conflit avec l’Azerbaïdjan
En 1918, une Arménie indépendante a vu le jour dans le Caucase. En 1920, ce territoire deviendra l’une des 15 républiques de l’URSS. La province autonome arménienne du Haut-Karabagh, dénommée Artsakh par les Arméniens, est attribuée à l’Arménie puis, injustement, à l’Azerbaïdjan. Suite à l’effondrement de l’URSS, l’Arménie devient indépendante le 21 septembre 1991. Cette même année les Arméniens du Haut-Karabagh votent également leur indépendance mais un conflit armé éclate avec l’Azerbaïdjan. En 1994, un cessez-le-feu est signé à l’avantage des Arméniens. En 2020 l’Azerbaïdjan attaque le Karabagh durant une guerre de 44 jours. Un cessez-le-feu est signé le 9 novembre 2020 avantageant l’Azerbaïdjan. Les Arméniens sont les grands perdants de ce conflit avec des milliers de morts et de blessés, de nombreux prisonniers, la destruction de villages et la perte des trois-quarts du territoire du Karabagh.
En décembre 2022, l’Azerbaïdjan a bloqué la seule route qui relie le Karabagh à l’Arménie, le corridor de Latchine, entraînant une catastrophe humanitaire. Le but déclaré des autorités de l’Azerbaïdjan était clairement une volonté de nettoyage ethnique, un nouveau génocide. Finalement, en septembre 2023 l’armée azerbaïdjanaise a envahi le Karabagh. Le résultat fut le déplacement forcé de la totalité de la population arménienne vers l’Arménie, c’est à dire plus de 100000 personnes. Aujourd’hui la situation reste tendue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Sauvegarder l’identité chrétienne
Le nombre total d’Arméniens dans le monde est estimé à environ 10 millions dont 3 millions en Arménie même. La plus grande diaspora se trouve en Russie (environ 3 millions) et dans l’ensemble des pays de l’ex-URSS dont près de 400000 en Ukraine. Les Arméniens étaient très nombreux au Moyen-Orient mais leur nombre a considérablement diminué depuis 50 ans en raison des différents conflits qui ont affecté cette région et qui ont mené beaucoup d’entre eux à la quitter. Des communautés arméniennes se sont établies en Amérique du Sud et en Australie mais c’est en Amérique du Nord, surtout aux Etats-Unis (1,5 million), et en Europe (1 million), particulièrement en France, que la diaspora arménienne s’est récemment le plus développée.
L’étude de l’histoire des Arméniens montrent que leur ouverture au monde est aussi, depuis des siècles, liée au commerce. Les marchands arméniens étaient très réputés et installaient des comptoirs commerciaux aussi bien en Europe, au MoyenOrient, qu’en Inde ou en Chine. Presque partout, ils essayaient d’organiser leur vie communautaire en construisant des églises et des écoles. Les Arméniens se sont encore davantage structurés au début des années 1920, suite au génocide, lorsqu’ils ont compris que leur exil forcé était définitif. L’importance de sauvegarder leur identité est devenue existentielle et a passé par la foi chrétienne, la préservation de la langue et de leur culture spécifique. De nombreuses organisations et institutions arméniennes ont joué un rôle déterminant dans ce sens et jusqu’à aujourd’hui. Les Églises arméniennes ont largement contribué au maintien de l’âme arménienne.
Trois Églises chrétiennes côte à côte
L’Église apostolique arménienne a officiellement été fondée en l’an 301 après la conversion du roi mais le processus de christianisation a duré très longtemps. Il a fallu attendre le début du 5e siècle, avec l’invention de l’alphabet arménien et la traduction de la Bible en langue arménienne pour que la foi chrétienne prenne racine dans la population.
L’Église catholique arménienne se développera surtout à partir du 18e siècle. Elle créera de nombreux programmes éducatifs et sociaux. Citons en particulier l’action des Pères Mekhitaristes basés à Venise (Italie) et à Vienne (Autriche).
L’Église évangélique arménienne est née au milieu du 19e siècle. Elle s’est différenciée par l’importance qu’elle a donnée à la relation personnelle avec Dieu à travers la lecture de la Bible et une vie de prière personnelle. Les actions scolaires et humanitaires tiennent une grande place dans ses projets. Aujourd’hui encore, son Université Haigazian, à Beyrouth (Liban) est la seule Université arménienne hors d’Arménie. En France, l’Église Évangélique Arménienne a pu être créée, dès 1924, grâce à l’ACO et son directeur, le pasteur Paul Berron.
René Léonian, pasteur, président de l’Union des Églises évangéliques arméniennes d’Eurasie et titulaire de la Chaire d’Arménologie de l’Université catholique de Lyon