En 1631, Rembrandt, qui a tout juste 25 ans, peint un tableau du Christ en croix, tableau qui reçoit un accueil mitigé. En effet, le peintre rompt avec les codes classiques d’un Christ beau, serein et impassible malgré la souffrance (car le Christ même en croix est le Fils de Dieu) pour peindre un simple homme exsangue qui lève les yeux au ciel comme pour implorer son Père. C’est assez révolutionnaire pour l’époque.
Nous ne savons pas très bien où le tableau va se trouver pendant 200 ans, même si on a quelques traces de ventes. Ce qui est certain, c’est qu’en 1804 un capitaine de l’armée de Napoléon l’achète dans une vente à Dunkerque : il s’agit de Xavier Duffour, originaire du Mas d’Agenais. L’année suivante, celui-ci offre le tableau à sa paroisse d’origine. Le tableau dont on ne sait plus du tout qu’il s’agit d’un Rembrandt (la signature est devenue illisible) va être accroché dans la sacristie. Un prêtre essaie même de le vendre au milieu du XIXe siècle mais le tableau ne soulève pas l’enthousiasme et reste dans l’église.
En 1905, à la séparation des Églises et de l’État, l’œuvre devient propriété de la commune, ce qui soulèvera bien des querelles entre la municipalité et la paroisse. Il ne sera authentifié comme un Rembrandt qu’en 1959, lors d’une restauration effectuée au Louvre quand la signature RHL (Rembrandt Harmenszoon de Leiden) émerge de dessous les couches de crasse. Branle- bas de combat : comment est-il envisageable de laisser une œuvre d’une valeur inestimable, sans aucune protection, dans une église de campagne accessible à tous ? Ni la commune ni l’Église n’ont cédé aux sirènes de la vente à un musée (le tableau est estimé à 90 millions d’euros) et récemment un nouveau caisson de protection a été installé. Le Christ en croix est bien chez lui, dans l’église paroissiale Saint-Vincent.