Christian Steulet évoque l’émergence de ce genre musical improbable.

Les traites négrières suivies de l’émergence des églises noires sur le continent américain ont joué un rôle déterminant pour les musiques populaires dans le monde occidental. L’esclavage représente quatre siècles durant l’élément fondateur d’une économie mondialisée, basée sur la plus grande migration forcée de l’histoire. Face aux rébellions des esclaves, les puissances coloniales ont mis en place ce que l’historien Achille Mbembe appelle les « politiques de l’inimitié ». Leur pendant idéologique est le racisme, théorisé en Europe puis aux Etats-Unis.

Après la libération des esclaves aux USA en 1863, le chemin vers la citoyenneté se heurte à une réaction féroce : lynchages et attentats du Ku Klux Klan, « Jim Crow Laws » qui rétablissent la ségrégation. Les seuls havres de paix et d’échange sont, au début du XXe siècle, les églises africaines-américaines. Ces communautés échappent à cette double conscience décrite par le sociologue Paul Gilroy: à la fois citoyen et personne exclue, invisible.

Une musique pour survivre

Quand on a détruit votre culture et votre identité, vous ne survivez qu’en vous bricolant de nouvelles appartenances. La musique, et surtout le chant, vont jouer ici les premiers rôles. L’anthropologue Denis-Constant Martin est l’un de ceux qui ont montré comment les églises ont permis aux esclaves de s’approprier les traditions liturgiques de […]