Etre pasteure, et non plus épouse ou fille de pasteur – telle est la bataille menée par ces pionnières du début du XXe siècle que retrace la chercheuse genevoise Lauriane Savoy dans «Pionnières» (Ed. Labor et Fides). A Genève, la première consécration de femme pasteure remonte à 1929; sur le canton de Vaud, il faudra attendre 1973. Près de quatre décennies pour que le ministère féminin soit complètement approuvé. Récit.

Qui étaient ces pionnières qui ont ouvert la voie ?

La plupart étaient filles, petites-filles ou nièces de pasteurs. Elles ont grandi au plus près de cette profession et cela a naturellement éveillé des vocations. C’est notamment le cas de la pionnière genevoise Marcelle Bard, dont le père était pasteur et professeur de théologie à l’université. Elle raconte que, déjà toute petite fille, elle prêchait devant les chaises vides de la salle à manger. À l’adolescence, son père la mettra d’ailleurs à l’épreuve en lui demandant de raccompagner un ivrogne ensanglanté à son domicile: «Tu veux être pasteure? Prouve-le!»

Partageaient-elles aussi un même profil social ?

Ce sont plutôt des femmes qui viennent de milieux bourgeois ou de la petite bourgeoisie – soit des milieux dans lesquels on peut se permettre de faire des études universitaires. Entre 1920 et 1960, toutes les femmes pasteures se révèlent également célibataires. Marcelle Bard ne fait pas exception, à la nuance près qu’elle se marie en 1930 et divorce deux ans plus tard. À cette époque, une femme doit encore choisir entre carrière et mariage. De plus, le pastorat nécessite d’être très disponible pour sa communauté. On pensait alors que les mères de famille ne pouvaient pas avoir une telle disponibilité.

On se basait sur de pseudo-évidences biologiques : « L’homme féconde, la femme est fécondée»
Quels genres de réactions ont dû affronter ces pionnières ?

Elles ont dû faire face à des discours théologiques s’opposant à l’accès des femmes au pastorat, comme «Jésus était un homme, et il a choisi 12 apôtres qui étaient tous des hommes». Ou encore le rappel de certains passages bibliques stipulant que les femmes ne pouvaient assumer une position de leadership. Mais plus encore que des arguments théologiques, elles ont surtout rencontré des arguments en lien avec la place des femmes et des hommes dans […]