«Le Guernica de Picasso est une grande peinture protestante ». Cette citation de Paul Tillich, lue pendant mes études, fut comme une révélation, orientant toutes mes recherches ultérieures. En effet, si cette formule a un sens, cela signifie qu’il doit exister un critère permettant de juger une image d’un point de vue protestant.

Héritage

Cette première approche, je décidai de l’approfondir en rédigeant une thèse de doctorat, sous la direction de Gabriel Vahanian, sur la construction d’un objet théorique destiné à nourrir une réflexion pratique sur les programmes des émissions protestantes à la télévision. Ce travail m’a permis de mettre en évidence un héritage protestant de la Nouvelle Vague des années soixante en explorant les notions de « caméra-stylo » (Alexandre Astruc) et « d’essai critique » (Roger Leenhardt) ainsi qu’une manière de faire du cinéma où l’écriture fait corps avec l’image (Jean-Luc Godard).

Détournement

Le 500e anniversaire de la naissance de Jean Calvin (1509-1564), en 2009, fut l’occasion de proposer une exposition d’art conceptuel, en association avec mon père Bernard François, peintre influencé par l’hyperréalisme, avec qui nous avons conçu une quinzaine d’œuvres. La proposition est un ensemble d’images-citations avec du texte intégré à l’image. La couleur dominante en est le bleu (couleur préférée de Calvin); outre Calvin, on y croise Marot, Barth, Ellul, Vahanian, Ricœur, Godard, et l’on y pratique de manière ludique le détournement, la substitution et l’imitation : Dürer, Van Gogh, Mondrian, René Magritte, Yves Klein, etc. sont implicitement cités.

Traces

À l’occasion des 500 ans du protestantisme, j’ai souhaité proposer une exposition d’art conceptuel donnant à voir, sous la forme de photographies grand format, avec du texte, les traces du protestantisme luthéro-réformé en Alsace-Moselle, territoire concordataire au protestantisme à dominante luthérienne (regroupant 225 000 paroissiens en 247 paroisses). L’essentiel de l’exposition a été réalisé en collaboration avec la photographe Elisabeth Schlenk. Historiquement, le protestantisme de langue française a toujours eu une certaine réticence quant à l’utilisation des images : c’est la raison pour laquelle, perspective inversée, cette exposition propose un regard ludique et bienveillant des images contemporaines sur le protestantisme.

Cette série d’expositions, qui a démarré à Colmar en juillet 2016 et qui se terminera le dernier week-end du mois d’octobre 2017 au TempleNeuf de Strasbourg à l’occasion de la grande fête du protestantisme, a pour titre générique Luther en automne, allusion à la saison où Luther a rédigé les 95 thèses. C’est aussi un hommage au grand poème du haut-rhinois Jean-Paul de Dadelsen, intitulé Bach en automne (1955), œuvre évoquant le protestantisme alsacien.