La sortie de cette somme biographique sur le théologien bâlois Karl Barth (1886-1968) constitue sans aucun doute un évènement éditorial. Parue en allemand en 2018, puis dans sa traduction anglaise en 2021, la voici enfin disponible en français. Par son ampleur, l’ouvrage fera date dans les études barthiennes, notamment parce qu’il jette une lumière nouvelle sur les coulisses humaines des grands débats que Barth contribua à animer au cours de l’histoire si tragique du 20e siècle.

Non que les initiatives biographiques francophones aient manqué jusque-là. Elles ont connu un regain tous les vingt ans. Leur publication commença du vivant même de Barth, dont la notoriété avait largement dépassé les frontières de sa Suisse natale et de l’Allemagne, lieu de théâtre historique et théologique de bien des combats. Ces initiatives ont toujours dépassé le strict champ biographique, pour toucher à la théologie. Mentionnons à ce titre les ouvrages du jésuite Henri Bouillard, et de Georges Casalis, qui furent contemporains de l’essai autobiographique de Barth lui-même, rédigé à la demande de la revue américaine The Christian Century, en 1961. De nouvelles publications marquèrent le centenaire de la naissance du théologien, au milieu des années 1980, avec notamment la traduction en français d’un texte du professeur de Tübingen Eberhard Jüngel. Vint enfin un renouveau au début des années 2000, avec les publications de Denis Müller et, un peu plus tard, d’Henry Mottu, alors que parallèlement commença une réédition de certains ouvrages de Barth.

Le point commun de ces ouvrages tient à leur volonté de restituer la théologie de Barth dans son contexte et dans son évolution, de rendre compte de ce que Denis Müller a appelé son « geste théologique » : le mouvement d’une pensée […]