Philosophie
Vivre sans. Une philosophie du manque de Mazarine Pingeot. Flammarion, 2024, 250 p., 21 €.
Le manque est au cœur de l’humanité comme une peur existentielle inscrite dans son ADN : la peur de manquer de temps, de jours, de vie. La peur de la mort ! Mazarine Pingeot rappelle que cette faille structurante, que la philosophie grecque a longuement analysée, ne peut être « appropriée », « résorbée », contrairement à ce que nous promettent nos sociétés consuméristes. L’achat, la consommation de biens ne peuvent éteindre notre peur de manquer. Au pire : la consommation l’attise et la renouvelle. Mieux : elle transforme le manque en valeur ! C’est le tour de passe-passe génial du marketing : promouvoir le « sans » : le sans sucre, sans gluten, sans lactose, sans calorie, sans nicotine, sans gras, sans huile de palme, sans contact. L’absence est ainsi devenue une valeur, le manque un objet de convoitise. L’ouvrage de la philosophe est absolument passionnant. Quelques passages sur l’histoire de la philosophie sont un peu difficiles mais ils ne sont pas essentiels à la compréhension fondamentale de l’ouvrage : de son lien avec notre société et de son apport à une réflexion théologique. La lecture de cet ouvrage enrichira les prédicateurs.
Par Christophe Jacon
La Vertu dangereuse : Les entreprises et le piège de la bien-pensance, par Julia de Funes. Éditions de l’Observatoire, 2024, 224 p., 21 €.
La philosophe Julia de Funès propose d’aborder 35 items liés au monde du travail et à la bien-pensance qui s’y greffe, du consentement à la pensée positive en passant par le sens du travail. À chaque chapitre, trois temps : un préalable bien-pensant issu de l’opinion, que l’intelligence artificielle pourrait générer tant cet attendu est d’un creux abyssal ; une lecture critique ; une ouverture constructive.
Si l’on pense être épargné par les […]