Par Bruno Erhmann, trésorier de la Maison Verte (Paris 18e), historien de la Miss’ Pop’

Né en 1821, Robert Whitaker Mac All est fils et petit-fils de pasteur. Son père fait partie du mouvement méthodiste qui, en Grande-Bretagne, est à l’époque à la fois religieux, social et politique. En pleine révolution industrielle, les méthodistes accusent les Églises officielles de Grande-Bretagne de s’être coupées du peuple, notamment du prolétariat, en proposant une religion trop formelle, dogmatique et intellectuelle. Ils prennent une part très active dans la constitution des premiers syndicats anglais et sont à l’initiative de multiples œuvres philanthropiques pour soulager la misère du peuple, promouvoir sa culture et lutter contre l’alcoolisme considéré alors comme une plaie sociale touchant principalement le monde ouvrier.

Méthodisme et socialisme

Les idées et les modèles sociaux qui circulaient dans les Églises non officielles d’Angleterre, méthodistes mais aussi quakers et congrégationalistes, ont été largement utilisés par le socialisme naissant dit utopique :

  • Références nombreuses au christianisme primitif et au partage des biens.
  • Refus des hiérarchies et des cléricalismes.
  • Nécessité de l’enseignement pour tous visant la possibilité de la lecture commentée en commun des écritures.
  • Aspiration à la vie communautaire de base par la constitution de coopératives et de fraternités.

Non-conformisme et ouvriérisme

Le jeune Mac All a baigné dans cette atmosphère, aussi n’est-il pas étonnant qu’après des études d’architecture, il ait choisi pour faire sa théologie une faculté de théologie indépendante récemment fondée par un homme politique libéral (de gauche) et deux pasteurs congrégationalistes pour former au pastorat les étudiants refusés par les Églises officielles. Cette faculté non conformiste est située à Manchester, grande ville industrielle.

A la sortie de cette formation, il se marie avec la fille unique de l’un de ses professeurs. Il va ensuite pendant une vingtaine d’années avoir la responsabilité de paroisses toutes implantées dans des villes industrielles (voir encadré). A cinquante et un ans, quand Robert Mac All et son épouse décident de partir pour Paris au lendemain de la Commune auprès des ouvriers, c’est en grande cohérence avec leur parcours anglais.

Mac All déjà parmi les ouvriers

  • Son premier poste de pasteur est dans une paroisse congrégationaliste à Sunderland, au dix-neuvième siècle le plus grand chantier naval du monde, très grand port commercial notamment pour le charbon. De 1848 à 1855, il y anime des groupes de jeunes et commence à publier des cantiques.
  • Son deuxième poste est dans une paroisse non conformiste à Leicester, ville textile du centre de l’Angleterre. Deux ans après, dans la même ville, il fonde sa propre paroisse qu’il veut ouverte largement sur l’extérieur et accueillante pour les milieux populaires. Il y expérimente l’évangélisation en plein air, mène diverses actions philanthropiques et lutte contre l’alcoolisme.
  • Neuf ans après, il accepte encore une mutation à Manchester, première ville du monde à avoir été industrialisée, centre au dix-neuvième siècle de l’industrie du coton. Là encore, il connaît la misère des ouvriers de la grande industrie naissante. En 1867, il intervient en faveur de nationalistes irlandais condamnés à mort pour avoir attaqué un fourgon cellulaire, libéré deux prisonniers, mais tué un policier.