Auprès d’elle les gens boivent, rient, se reposent où se hâtent. Elle est là, immobile, les yeux clos, au milieu de l’agitation bordelaise. Paisible, infiniment douce, témoin d’une immensité essentielle et amicale. Voit-elle, entend-elle ce qui l’environne ? Sur sa droite : le grand théâtre. À sa gauche : la rue Ste Catherine. Le temple des arts et le temple du commerce. Elle tient du bouddha, mais son temple est la ville. Dressée sur la place, elle vient vers nous. Elle fait irruption dans notre monde. Elle ouvre un monde. Elle fait ressentir une présence intense et qui ne s’impose pas. Elle respire le monde. Elle a les yeux clos, mais elle regarde. Question posée à ceux qui ont des yeux et qui ne voient pas. « Je suis venu dans le monde pour que ceux qui ne voyaient pas voient, et que ceux qui voyaient deviennent aveugles » (Jean 9,39).

Œuvre de l’incarnation

« Sanna » a été installée à Bordeaux en 2013, parmi 10 autres sculptures de Jaume Plensa. Les autres sont reparties, elle seule est restée. Elle en a touché quelques-uns. Une souscription des Bordelais, et le don inespéré d’un mécène, lui donnent droit de cité pour quelques années encore. La « sauvent », en quelque sorte. Mais n’est-ce pas plutôt elle qui nous parle de ce qui sauve ? Plensa est-il chrétien ? Peu importe. Son œuvre vibre comme l’Évangile de Jean. Une irruption de l’éternité dans le présent. Une présence de l’éternité dans le monde. Une vraie présence au cœur de l’absence des hommes à eux-mêmes et à l’éternel. Une incorporation qui ne se dissout pas dans le monde, mais qui l’appelle à lever comme une pâte. « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » (Jean 1,26).