Pour certains commentateurs, cet événement, marqué par une ferveur largement partagée sur les réseaux sociaux, aurait marqué un tournant pour la musique chrétienne francophone. Ce concert mémorable a dessiné un véritable espace de communion. Salué comme une première pour un artiste gospel francophone à cette échelle, il soulève cette question : NK Divine incarne-t-il une nouvelle ambition pour le gospel francophone, dépassant les frontières des églises?
Un parcours ancré dans la foi et la musique
Pour mettre en perspective cet événement, un retour s’impose sur l’itinéraire de NK Divine. Divine Nkosi, plus connu sous le nom de NK Divine, est né le 17 janvier 1998 en région parisienne. Il grandit dans un environnement où la foi chrétienne et la musique s’entrelacent. Dès son plus jeune âge, il fait ses premiers pas dans l’église, d’abord aux percussions, puis à la batterie, avant de découvrir sa voix. Cette immersion précoce dans la musique chrétienne façonne son identité artistique. En 2015, il fonde le groupe Les Héritiers Célestes avec des amis croyants. Ce collectif lui permet de se faire connaître grâce à des projets marquants comme les EP Processus Tome I et Processus Tome II. Des titres phares tels que Emmène-moi et Amour inconditionnel captent l’attention d’un public au-delà des murs de l’église. Ils posent les bases de sa future carrière solo.
En octobre 2022, NK Divine franchit un cap avec la sortie d’un premier album solo, Destinée. Cet opus, mêle gospel congolais, R&B et sonorités afro. L’album séduit par sa richesse musicale et son message spirituel. Des chansons comme Pene ou Muana rendent hommage à ses racines congolaises, tandis que Je vais bien s’ouvre à des influences contemporaines, attirant un public plus diversifié. En 2024, il consolide son succès avec Destinée Chapitre II in ut regium, un projet ambitieux qui confirme sa volonté de faire évoluer le gospel vers un style plus universel, qu’il nomme le N.U Gospel (New Unité Gospel). Ce concept, porté par une vision narrative et spirituelle, vise à renouveler le genre tout en restant fidèle à son essence chrétienne.
Le parcours scénique de NK Divine reflète la montée en gamme de son offre artistique. Après avoir conquis des salles comme le Théâtre du Blanc-Mesnil et le Casino de Paris (vendu en 13 heures en 2023), il remplit le Zénith de Paris en septembre 2024, avant de relever le défi de l’Accor Arena en 2025. Ce dernier concert, qui réunit 15 000 spectateurs, marque un jalon pour le gospel francophone. Selon Aurélien Fortin, promoteur de la musique chrétienne, cet événement est « incroyable, historique » et témoigne d’une dynamique plus large : celle d’une génération qui ose affirmer sa foi sur des scènes grand public.
Outre la performance musicale, NK Divine se distingue aussi par une mise en scène soignée, des musiciens de haut niveau et une communication transversale qui dépasse les circuits chrétiens traditionnels. En s’adressant à des médias généralistes et en participant à des podcasts, il tend la main à la génération des réseaux sociaux. Son audience est hyperconnectée, en quête de sens. Le message spirituel explicite, et jugé authentique, du soliste, fait mouche. Cette approche permet à NK Divine de fédérer croyants et non-croyants autour des valeurs de l’Évangile. Sa modestie, loin des caprices de star, s’allie aussi à un sens du collectif : un moment fort de l’Accor Arena fut la présence d’autres figures majeures du gospel francophone, comme Athoms Mbuma, Christian Mukuna, KS Bloom et David Ize, qui ont rejoint NK Divine sur scène. Une collaboration voulue pour illustrer l’unité et la fraternité au sein du mouvement francophone Gospel, au-delà des clivages et des concurrences.
Signature chez Warner Music France : un jalon fort
En 2024, NK Divine a franchi une étape majeure en signant avec Warner Music France. Il devient ainsi le premier artiste gospel francophone à intégrer une major sous un contrat de distribution. Ce partenariat est géré par son label familial NK Prod. Lors de la signature, l’artiste insiste sur une condition non négociable : préserver l’intégrité de son message chrétien. « Si on perd le message, on perd la vision », souligne-t-il, refusant de céder à la tentation de diluer son discours pour plaire à un public plus large. Cette signature est significative à plus d’un titre. Après une période difficile, le Gospel francophone regagne en visibilité grâce à un artiste comme NK Divine. A l’image de Dena Mwana (qui chante à la Salle Pleyel le 15 mai 2024), il est capable de remplir les plus grandes salles, et de susciter une grande attraction sur les plateformes mainstream. Les bons débuts de NK Divine auprès de Warner Music France prouvent à nouveau que la musique chrétienne peut rivaliser avec d’autres genres populaires, tout en restant fidèle à ses racines spirituelles.
Évolution plus que révolution
Est-ce pour autant une révolution pour le Gospel francophone ? L’émergence du N.U Gospel incarnée par NK Divine marque, certes, une volonté de renouveler le genre. Ce style, qui fusionne gospel traditionnel, afrobeat, R&B et sonorités urbaines, s’adresse à une génération jeune et connectée.
En intégrant des éléments de la culture populaire tout en maintenant un ancrage spirituel, NK Divine redéfinit certains codes du gospel francophone.
Cette musique trouve un écho particulier dans la diaspora congolaise, dont NK Divine est issu. En fusionnant héritage congolais et modernité musicale, il devient un nouvel ambassadeur du gospel urbain, capable de rassembler des publics de Paris à Kinshasa. Le succès de NK Divine relève cependant plus d’une évolution, que d’une révolution. D’autres initiatives comme les Shine Gospel Awards, où NK Divine a été sacré meilleur artiste masculin en 2024 (1), contribuent à un nouveau régime de visibilité, mais le chemin est encore long. Interrogé par Billboard France après le concert de Bercy, Charles Tabu, producteur, affirme : « nous sommes en train de créer un écosystème autour du gospel ». Pourquoi pas ? Rappelons que plusieurs tentatives l’ont précédé.
Avant de sortir les superlatifs, n’oublions pas que l’itinéraire du Gospel francophone, en Afrique, en Europe et outre-Atlantique, s’inscrit dans une longue histoire. Le concert de NK Divine n’est pas le premier concert Gospel organisé dans l’arène de Bercy, qui en a accueilli quelques-uns, avant lui, comme « Gospel pour 100 voix », le 13 avril 2013, il y a douze ans. Deux ans avant, le pionnier du Gospel francophone Marcel Boungou remplissait le Casino de Paris, à l’occasion de ses 30 ans de carrière (16 avril 2011). Et cela fait vingt ans qu’une chorale comme la New Gospel Family investit de grandes salles comme le Zénith de Paris. On pourrait donner d’autres exemples. Objet d’un premier ouvrage historique (2), le Gospel francophone a en réalité connu une ascension régulière depuis les années 1970. Il a ensuite traversé une période de creux, dans les années 2010-20, en raison de plusieurs facteurs cumulés, dont la crise du Covid, qui a fait des ravages dans un milieu musical tributaire du public.
Le succès remarquable de NK Divine, et son concert exceptionnel de l’Accor Arena, le 13 juillet 2025, marque, dans cette histoire longue, non pas une révolution, mais une relance et une évolution vers davantage d’ambition. Après ses grands prédécesseurs – qui chantent parfois toujours -, il a su, mieux que quiconque, s’appuyer sur la nouvelle génération des réseaux sociaux, qui ont explosé depuis une dizaine d’années (Tiktok est créé en 2016, Instagram en 2010). Reste à savoir si ce concert mémorable aura le puissant effet d’entraînement escompté…. sur un milieu Gospel francophone qui n’attend que ça ! A suivre.
(1) Lire : « Les Shine Gospel Awards : un nouveau chapitre dans l’histoire des événements Gospel ? » Fil-info Francophonie, Regardsprotestants, posté le 19 décembre 2023
(2) Sébastien Fath, Gospel et francophonie, une alliance sans frontière, Paris, Empreinte Temps Présent, 2016, 230p.