150 ans après
Albert Schweitzer. Matthieu Arnold, Fayard, 2025, 500 p., 25 €
En écrivant une biographie d’Albert Schweitzer (1875-1965), il faut éviter deux écueils et surmonter une difficulté. Dès l’avant-propos, Matthieu Arnold prévient le lecteur : éviter de ressasser les images d’Épinal répétées jusqu’à la caricature et surtout exploiter les sources peu, voire jamais, utilisées, les diverses correspondances ou encore les cours donnés à l’université de Strasbourg. Second écueil, et non des moindres, éviter de juger l’œuvre et les propos de Schweitzer avec les critères de notre époque, sur lesquels on peut aussi s’interroger. Schweitzer est un homme de son temps, à cheval sur le xixe et le xxe siècle. Il a vécu dans un monde qui n’a cessé de basculer, pour ne pas dire de s’effondrer. Alsacien né sous l’annexion allemande, il retrouve une Alsace française en 1918. Parti au Gabon pour la première fois en 1913, il intègre une réalité coloniale qui se désagrégera cinquante ans plus tard. Auteur, très audacieux, d’une œuvre théologique marquée par l’esprit des Lumières, la critique et le rationalisme, il devra faire face à la montée d’une forme d’orthodoxie protestante avec la réception de la théologie de Karl Barth (1886-1968) dans le monde protestant et même au-delà. On pourrait multiplier les exemples de ce monde en bascule dans lequel Schweitzer a tracé son chemin.
C’est bien d’un chemin dont il s’agit, d’une volonté que rien ne viendra perturber, ni le cours d’une histoire mondiale tragique, ni les événements familiaux. En suivant le jeune Schweitzer à partir de ses études en théologie jusqu’à son départ pour Lambaréné, on est pris de vertige. Comment un homme peut-il mener de front autant d’activités, qui plus est au plus haut niveau ? En l’espace d’une quinzaine d’années s’enchaînent thèse de doctorat en théologie, en philosophie, les charges d’un vicaire d’une paroisse strasbourgeoise, les activités de concertiste dans toute l’Europe et des études de médecine. Ce rythme, qui confond le lecteur, ne s’arrêtera jamais.
La biographie du professeur Matthieu Arnold ne fait pas l’hagiographie d’un saint, elle remet l’ensemble de l’œuvre comme les critiques à leur juste place. Schweitzer en son temps, mais aussi Schweitzer pour notre temps, cette biographie nous rend Schweitzer en sa plénitude : c’est la difficulté qu’il fallait surmonter.
Philippe Aubert
Post-Covid
Le Coronaméron, Collectif, 2024, 81 p., 9 € + frais de port.
Six amis se sont lancés dans l’écriture alors que le confinement de la Covid-19 débutait en mars 2020.
Vingt et un textes sous forme de nouvelles, poèmes, réflexions témoignent ainsi de ce mouvement créatif et vital. De styles très différents, légers, humoristiques ou plus graves, ils viennent dénoncer cette part […]