Lorsque vous êtes étudiants, vous cherchez souvent des petits jobs d’été. Il y a près de 20 ans, je mettais les pieds au musée du Désert, non pas comme visiteur mais comme guide. Pour parfaire notre formation, nous devions suivre pendant deux jours nos collègues dans leurs visites guidées pour être parfaitement au point quand notre tour arriverait. Suivre les visites de Philippe, c’est comme voyager dans le temps. Attention, rien de passéiste, bien au contraire. Dans chacune de ces visites, il raconte l’histoire, la remet dans son contexte et fait des liens avec le présent, mais ce qui rend la promenade encore plus agréable, c’est qu’il vous raconte des anecdotes. Celles de ces vieilles Cévennes, comme on pourrait les raconter lors d’une veillée au bord d’une cheminée en préparant des châtaignes.

Voilà plus de 30 ans que Philippe Herbster travaille pour le musée. Accueillir, guider, conserver, entretenir, projeter sont les quelques missions qu’il doit accomplir avec ses collègues. Ici, chacun travaille selon ses capacités et ses compétences. Lorsque l’été arrive, le travail s’intensifie. Vous pouvez aussi retrouver Philippe dans les bois et les près du musée parce qu’il faut couper l’herbe, débarrasser les terrains des branches tombées à la suite d’une tempête. Bien sûr, il n’est pas seul, les jeunes stagiaires de l’été sont toujours là, à l’accueil, pour encadrer les nombreux visiteurs de la saison touristique.

Génération cévenole

Les Cévennes et leur histoire, Philippe les a gravées au fond de son cœur. Il connaît les traditions, les vieilles histoires comme les plus récentes. Il connaît aussi certains secrets… mais chut, il niera tout en bloc !

Si au bout de 30 ans, vous lui demandez si les visites ne sont pas usantes et répétitives, il vous répond que chaque visiteur l’oblige à envisager son discours sous un angle nouveau. Il faut en permanence se renouveler, que ce soit à cause de l’actualité, de nouvelles découvertes, du type de visiteurs (enfants, personnes âgées, familles ou étrangers en vacances). « C’est le visiteur qui formate la visite, confie-t-il, captiver le visiteur, c’est s’adapter à chaque personne. » Rien ne peut affadir l’enthousiasme de Philippe, même si l’été au musée du Désert relève de l’entraînement d’un sportif de haut niveau. En quelques années, l’équipe a renouvelé le lieu et ses activités. Tout d’abord, un nouveau bureau d’accueil et de nouvelles salles, faisant la part belle à la Réforme et au programme architectural très réussi. Cette année, plusieurs expositions sont installées sur le site, dont, pour la première fois, un artiste contemporain, le gardois Jacques Clauzel. Mais c’est aussi l’accueil du Son et Lumière De Luther à Luther King (préparer le terrain, organiser l’accueil des bénévoles et des spectateurs), les assemblées nocturnes, les conférences, les concerts… Il faut renforcer l’offre touristique pour pérenniser le lieu. « Le visiteur renouvèle son expérience et a l’impression d’enrichir son savoir » motive-t-il.

À la fin de l’été, il y a l’assemblée du Désert. Va-t-elle avoir lieu ? Quelle sera la décision de la préfecture ? Malgré ces questions en suspens, il faut continuer à tout organiser. Lorsque vous arrivez à l’assemblée, tout semble bien rodé : fléchage, barrières et parkings. Derrière toute cette organisation, vous retrouvez Philippe qui coordonne les équipes. Il a la mémoire du lieu et de son fonctionnement. Il en connaît les moindres rochers, les moindres arbres, la moindre histoire.

Le musée du Désert au cœur

Pour Philippe, c’est d’abord le musée. Jamais en première ligne, mais il connaît parfaitement le fonds présenté aux visiteurs et celui en réserve. Il stimule la réflexion, a des idées et, en collaboration avec l’équipe, regarde ce qui est faisable.

Le confinement a permis de nouvelles expériences. Ainsi tous les mois, Philippe présente une émission sur Radio Grille Ouverte (Alès) dans laquelle il présente un objet, un livre ou encore un personnage que l’on peut rencontrer dans les salles du Mas Soubeyran.

Aujourd’hui, le musée se met à la page. En recevant le label « Esprit Parc », délivré par le Parc national des Cévennes, il est reconnu pour son engagement patrimonial, écologique, architectural et son action pour la protection de cette histoire rurale. Le musée du Désert et son équipe sont au cœur d’un réseau qui croise aussi bien les territoires politiques (département ou région) que les territoires religieux. Ainsi, ils participent au pôle Cévennes de la Fédération protestante de France.

Des projets, Philippe et l’équipe du musée en ont plein. De nouvelles visites guidées plus thématiques, abordant des domaines spécifiques. Prendre le temps de s’arrêter sur les collections de peinture, sur un document spécifique ou encore l’histoire d’un objet et son entrée dans les collections. Mais cette volonté de renouvellement pousse à s’ouvrir vers l’extérieur. La particularité du musée du Désert, c’est aussi le Mas Soubeyran, son histoire et ses paysages. Une idée est en train de germer… promener le visiteur dans les paysages environnants pour mieux comprendre l’histoire de ces protestants cévenols enracinés dans leur montagne.