Un étrange pressentiment nous habite et nous ronge. À la veille de ces élections législatives brusquées, on se surprend à feuilleter, incrédules mais lucides, L’Étrange défaite de Marc Bloch, La trahison des clercs de Julien Benda, L’homme sans gravité de Charles Melman, voire Les Origines du totalitarisme de Hannah Arendt. On sait bien que rien n’arrive par accident, on a tous quelques explications personnelles. Mais elles nous semblent trop superficielles, partielles, hâtives pour ne pas chercher dans la littérature des explications plus informées et argumentées afin d’étayer nos hypothèses fragiles et surtout comprendre. Comprendre, c’est-à-dire non seulement saisir les origines et les conséquences du chaos qui se profile, mais aussi, par avance, savoir comment résister au fardeau des événements à venir. Que faire « quand les fondements sont renversés » ?
Deux tristes événements récents évoquent à eux seuls au moins deux piliers porteurs des élections européennes et, en partie, par un inévitable et redoutable transfert, des élections législatives : l’odieux viol antisémite d’une fillette à Courbevoie, les injures racistes subies par une aide-soignante à Montargis. « Piliers de l’enfer »« éléments de la honte » (1).

« Un antisémite est forcément négrophobe »

En écho à cette actualité bouleversante, un ami pasteur a très récemment cité Frantz Fanon sur son blog. La lecture de Fanon, en ces temps troublés, pourrait assurément aider certains sourds et aveugles à trouver aujourd’hui quelques repères, à moins qu’ils n’entretiennent leurs handicaps pour cultiver leurs radicalités !
Il s’agit du passage de Peau noire, masques blancs (1952) dans lequel Fanon fait l’expérience personnelle du racisme et de l’antisémitisme. Dans le malaise profond et préoccupant que nous traversons, peut-être serait-il bon que […]