Par Grace Nkunda, directrice du Foyer de Grenelle

Ce qui me plaît chez Emouna, ce qui est intéressant c’est de pouvoir suivre une formation qui a une approche spécifique. En ce sens où elle fait se rencontrer des approches plurielles, des voix, des personnalités et des profils divers au sein d’un même programme : c’est le fondement d’Emouna.

Dès les premières heures, l’innovation pédagogique était au rendez-vous pour briser la glace et nous permettre en quelques instants de mieux nous connaître. C’est un programme ambitieux que de réunir des laïcs, des athées, des bouddhistes, des orthodoxes, des juifs, des protestants, des catholiques tout au long de l’année à raison d’une journée toutes les deux semaines dans un projet de vie collective. A travers cette formation, les emouniennes et emouniens sont appelés à être des ambassadeurs, de leurs convictions certes mais aussi du fait que malgré la complexité de ce monde, il est possible de construire un monde meilleur si chacun adopte une posture d’humilité et d’acceptation de l’autre. Pour reprendre les mots du directeur de Sciences Po, cette institution très prestigieuse qui porte et dispense cette formation : « A Sciences Po, on fait l’apprentissage de l’humilité. L’humilité doit nous accompagner et nous guider toute une vie durant ». Le message est clair. Nous sommes le vecteur de transformation de notre monde qui est marqué par tant de souffrances. Nous sommes le levain pour transformer ce monde et faire entendre aux uns et aux autres l’importance de la reconnaissance de l’autre malgré la différence. Nous avons le devoir d’affirmer notre identité tout en ayant le courage d’accepter l’altérité.

De la connaissance à l’amitié

Le dialogue est l’un des chemins pour faire cesser les guerres. C’est en faisant l’effort d’apprendre à connaître la religion de l’autre, qu’un dialogue devient possible. Qui sait à quel point la rencontre peut contribuer à la paix ? Il est intéressant d’envisager les religions comme angle de recherche pour trouver des réponses aux problèmes de ce monde. Car à force de s’écouter et de se connaître, il naît des amitiés et des liens qui permettent le vivre ensemble. Et qui sait jusqu’où et sur quoi ça peut déboucher ? Peut-être que c’est de cela d’ailleurs qu’ont peur ceux qui créent des guerres inter-religieuses ? Apprendre à connaître l’autre. Le dialogue est le mot clé pour affirmer notre identité et accepter l’altérité. Dialoguer malgré la différence d’opinions. La règle d’or « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te fasse » est un message universel mais qui a un sens profond pour les chrétiens. Pour nous chrétiens, la religion n’est pas prétexte pour dominer mais pour servir. La séparation entre la politique et la religion est l’une des marques de la France. Le libéralisme fait partie intégrante de notre société. Ce qui conduit parfois à l’extrémisme de la liberté individuelle jusqu’à privatiser le religieux pour préserver la liberté individuelle.

Public/privé

La privatisation du religieux aurait été motivée par une volonté de valoriser et de sanctuariser le religieux. L’homme ne peut croire s’il ne le veut. Le pouvoir ne peut commander la croyance religieuse d’où l’idée de séparation entre la sphère publique et la sphère privée. C’est le sujet qui doit déclarer son identité religieuse. La bible dit la même chose « Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal…Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité ». (Deutéronome 30 : 15, 19).

Parmi les choses qui m’ont marquée, il y a le fait que la laïcité n’interdit pas le prosélytisme. Elle l’interdit pour certaines personnes et dans certains lieux. Le grand danger qui guette la France c’est celui d’exclure le religieux de la vie tout court. Ne demandons pas à l’Etat d’être arbitre de choses qui ne le concernent pas. Soyons assez bien dans nos baskets pour assumer nos croyances tout en aimant et en témoignant auprès de ceux qui ont des croyances différentes des nôtres. C’est ainsi que le monde saura que nous sommes véritablement enfants de Dieu.