Étrange hasard du calendrier, en février, la foi chrétienne était à l’honneur dans les salles obscures. Derrière la caméra, deux monstres du cinéma américain : Mel Gibson avec Tu ne tueras point et Martin Scorsese avec Silence.

Deux noms suivis, si ce n’est par le succès, en tout cas par la critique, cette fois-ci en demi-teinte. Impossible de résister à la tentation de tisser des liens entre ces deux longs métrages unis par le sang et surtout par les questionnements de deux hommes.

Violences dans le Pacifique

Tu ne tueras point, c’est l’histoire vraie de Desmond Doss, le premier objecteur de conscience de l’armée américaine à avoir été décoré de la Médaille d’honneur pour sa bravoure dans la bataille d’Okinawa, au Japon, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce jeune adventiste du 7e jour décide de servir son pays sans tuer quiconque, mais en sauvant un par un ses camarades. Le réalisateur Mel Gibson renoue avec « les travers affaiblissant son oeuvre depuis Braveheart (1995), sa Passion du Christ (2004) et Apocalyptico (2006) : son prosélytisme religieux et américano-patriotard, ainsi que son goût pour la violence », commente Philippe Thonney dans Ciné-Feuilles, bimensuel œcuménique de critique de films édité par Médias-pro. Le film reste pourtant « solide et démontre la maîtrise technique, de mise en scène et de direction des acteurs du réalisateur », ajoute-t-il.

C’est aussi au Japon que nous entraîne Martin Scorsese avec Silence, adapté du livre de Shusaku Endo. Le film relate l’évangélisation du Japon au XVIIe siècle. Deux pères jésuites portugais partent à la recherche du missionnaire Ferreira (Liam Neeson), ne croyant ni à sa mort ni à son apostasie. Dans une île de l’archipel, ils redonnent courage aux villageois convertis en secret. Là aussi, la violence est présente, excessivement, selon Geneviève Praplan de Ciné- Feuilles. Elle masque l’essentiel : le choc des cultures et « la confrontation entre les dogmes et les philosophies qui se jouent sans manichéisme. »

Visions spirituelles

« Le Japon est l’ennemi qui pousse les personnages dans les retranchements de leur foi. La pauvreté de deux héros les pousse à s’en remettre à Dieu pour faire des choix dans une réalité violente », commente Patrick Bittar, critique cinéma pour la revue des Jésuites en Suisse romande Choisir, interrogé dans l’émission Nectar, sur Espace 2.

Si chacun a son credo, la non-violence chez Gibson et la culpabilité chez Scorsese, les deux réalisateurs abordent la question du doute et du silence de Dieu. « Cette apparente absence devient réalité dans les moments de douleurs », explique Patrick Bittar, qui note au passage « la dimension christique des deux héros ». Ce commentateur est partisan d’une oeuvre cinématographique qui permette, sans prosélytisme, à chaque spectateur d’aborder la croyance sans a priori en suscitant la réflexion chez l’humain, car « la spiritualité fait partie de lui. » Un vœu peut-être exaucé grâce à la popularité des deux réalisateurs.

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Edition Genève du mois de mars 2017