(…) Face aux lapideurs qui tentaient de le coincer pour qu’il soit forcé d’approuver la mise à mort d’une femme, Jésus «se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur le sol» (Jean 8,6). Humilité, retrait, acuité du regard: le dessin juge les bourreaux ou les voit autrement, tellement autrement que tout penauds d’avoir voulu être plus que des êtres humains, de s’être faits dieux (donc faux dieux), ils renoncent pour cette fois-ci à être bourreaux.

Comme ce qu’a écrit Jésus sur le sol, le dessin est tourné vers l’autre, il n’est ni introspectif ni extraverti. Et le peu qu’il montre de soi-même ne passe que par le regard de l’autre s’il y a regard. Le regard de Saskia sur Rembrandt, qui vient de l’interrompre dans sa lecture de la Bible à la fenêtre, en dit plus sur Rembrandt que ses innombrables autoportraits où il joue plus un personnage qu’il ne dit de lui-même.

Mais l’honnêteté voudrait pour commencer que l’on dise aussi tout ce qui oppose christianisme et dessin. Comme la place manquerait et l’intérêt, contentons-nous d’un trait marquant qui suffira à évaluer la distance. On constate tous les jours que la foi ne se transmet pas : un tel aurait dû l’avoir et c’est telle autre qui l’a eue, Dieu choisit le sournois Jacob et non le sincère […]