Ce qui caractérise une conférence, c’est souvent l’esprit de sérieux. Celle qui nous a été donnée jeudi 19 octobre au temple de Revel par Jérémy Cadière était d’un autre type ; elle fut une mise en bouche, avant la dégustation de vin qui allait la couronner. Son titre « le vin dans la Bible » imposait cette séance de travaux pratiques. Une conférence où le plaisir des sens s’invite, ce n’est malheureusement pas si fréquent chez nous ! Jérémy Cadière n’est pas seulement théologien, il est aussi sommelier et, en lui, le théologien et le sommelier font très bon ménage. Il concilie avec bonheur le côté savant de la théologie avec le lâcher-prise qu’implique le vin.
Bacchus et Jésus
Bacchus, en grec Dionysos. Dans le christianisme, le rite du pain rompu et partagé de la communion fait écho au rite dionysiaque de la victime animale dont le corps est rompu puis consommé cru. Dans la tradition juive, le soir du Sabbat, il est recommandé de s’enivrer. C’est une invitation au lâcher-prise. La tradition juive et la tradition bacchique se rejoignent : le vin y est une boisson divine, voie de l’exaltation spirituelle. Et nous voici possédés en même temps par l’esprit du vin et par l’esprit divin grâce à la bénédiction qui a été prononcée sur la coupe. Au repas du Seder, pour Pessah (la Pâque juive), la bénédiction est prononcée sur 4 coupes de vin. Le vin était symbole d’abondance ; aussi, le soir du Seder, il convenait de le boire dans une position royale, c’est-à-dire, accoudé.
Le vin et la Bible
Le vin est très présent dans la Bible. Il a partie liée avec la spiritualité. En 620 avant notre ère déjà, le vin appartenait aux « rites d’unification » après une guerre. Dans la Cène, le vin, signe d’alliance, s’inscrit dans la continuité de ces rites. On ne peut passer sous silence deux épisodes bibliques, pas très édifiants, Genèse 9,22 et 19, 31-37. Nous savons que la Bible est le miroir de notre humanité avec toute sa part d’ombres. Ce qui est condamné à travers ces deux récits, ce n’est pas le vin en soi, ni l’ivresse mais la conduite qui s’y rattache. Sachons boire avec intelligence, c’est-à-dire en faisant place à notre responsabilité. Qohèleth nous dit d’ailleurs : « Va, mange ton pain avec joie, et bois ton vin le cœur content car Dieu prend plaisir à ce que tu fais ». Paul, lui-même, le recommande comme remède à Timothée qui souffre de maux d’estomac et de fréquentes indispositions (1 Timothée 5,23).
La communion des vivants
Si le protestantisme, comme on le prétend, est une spiritualité de la joie, que le partage du pain et du vin à la Sainte Cène en porte vraiment le témoignage ! Échangeons regards et sourires au lieu de n’offrir à nos frères et sœurs que des visages clos. Ce moment clé du culte s’appelle communion, ne l’oublions pas. Communion au Christ mais aussi communion les uns avec les autres. Dieu nous appelle à être des Vivants. Ne dédaignons pas d’être de « bons vivants » à l’image du Christ qui sut changer l’eau en vin. Sachons allier le sérieux et le lâcher-prise. Cette notion de « lâcher-prise » n’est-elle d’ailleurs pas dans le droit fil du message évangélique qui nous exhorte à abandonner notre désir de toute puissance pour nous abandonner à la seule grâce ? Osons faire de nos communautés des lieux de rire, de plaisir et d’humour. Une Église vivante, fraternelle et chaleureuse, c’est possible et j’ose le croire.