Interview avec son auteur, Sylvia Kahan, enseignante-chercheuse à la City University of New York et musicienne.
Pour quelles raisons vous intéressez-vous depuis une trentaine d’années à cette « princesse, mécène et musicienne », comme le sous-titre la biographie dont vous êtes l’auteur, récemment parue dans sa version française ?
C’est mon travail de doctorante et de musicienne qui m’a au départ conduite, dans les années 1990, à la Princesse de Polignac, dédicataire de nombreuses compositions de Gabriel Fauré, Maurice Ravel, et d’autres musiciens de la fin du XIXème siècle. Ces fréquentes dédicaces ont aiguisé ma curiosité de pianiste et je me suis rapidement rendu compte qu’il n’existait pas, à l’époque, d’étude sérieuse sur elle. J’ai alors décidé de centrer ma recherche sur cette Winnaretta Singer-Polignac, héritière de la famille Singer et mariée au Prince de Polignac, une femme millionnaire à 11 ans, née aux Etats-Unis en 1863, dont la jeunesse s’est déroulée en Angleterre et la vie, principalement, à Paris. Au centre de cette vie, proche de l’univers proustien : la musique, les artistes et la « haute société ». Mais l’histoire européenne et mondiale des premières décennies du XXème siècle a progressivement amené la richissime Winnaretta Singer-Polignac à développer une autre dimension de sa vie, celle de mécène – bien sûr, mécène d’artistes, de compositeurs, mais aussi mécène dans d’autres domaines, comme l’action au service des personnes pauvres, grâce aux liens noués avec l’Armée du Salut en France.
Quel pouvait être le regard de Winnaretta Singer Polignac sur les rapports sociaux de son époque ?
Si cette héritière n’a pas élaboré et exprimé de regard critique sur […]