Père de la Black Liberation Theology, longtemps professeur au Union Theological Seminary de New York, près de Harlem (Etats-Unis), le théologien américain James H. Cone s’est éteint le 28 avril 2018 à l’âge de 81 ans. Son influence intellectuelle a largement dépassé la sphère nord-américaine. Il est notamment étudié dans de nombreuses facultés de théologie francophones.
Auteur de nombreux ouvrages, il a développé une théologie de la libération qui met en avant l’impact décisif de l’Évangile dans la libération des oppressions. Son œuvre pionnière, à relire dans une perspective post coloniale, est traversée par une colère, et a suscité des controverses. Cette colère était celle d’un homme indigné par l’injustice ambiante, confronté à une société inégalitaire où le racisme et la ségrégation relèguent les noirs au statut de citoyen de seconde classe. Face à la montée des discours condamnant le christianisme comme la religion des blancs, des oppresseurs, il affirmait : « J’ai voulu dire NON ! L’Évangile chrétien n’est pas la religion de l’homme blanc. C’est une religion de libération, une religion qui dit que Dieu a créé tous les humains pour être libres. Mais j’ai réalisé que pour que les noirs se libèrent, ils doivent d’abord aimer leur condition noire (blackness) ».
Son livre Black Theology and Black Power (théologie noire et pouvoir noir), publié en 1969, est considéré comme un texte fondateur de la Black Liberation Theology. James Cone fait de la condition noire non seulement le symbole de la situation d’opprimé, mais aussi le moteur de la libération : pour que l’émancipation advienne, Dieu doit redevenir noir, à savoir le Dieu des opprimés. James Cone ne se contentait pas d’un discours politique ou social. Pour lui, l’expérience de l’émancipation noire n’a pas de sens sans référence à la Transcendance, à Dieu. Se référant volontiers à l’analogie avec l’odyssée de libération du peuple juif, sorti de la servitude et entré en Terre promise, Cone estimait que pour le Juif comme pour le Noir, la liberté, c’est une réalité sociale et spirituelle[1].
La francophonie protestante s’est nourrie de plusieurs de ses ouvrages, en particulier ceux qui ont été traduit en langue française C’est le cas de La noirceur de Dieu (Genève, Labor et Fides, 1989), préfacé par Henri Mottu, de Malcom X et Martin Luther King, les effets d’une colère noire (Genève, Labor et Fides, 1993, traduit par Serge Molla), et de Malcom X et Martin Luther King, même cause, même combat (Genève, Labor et Fides, 2008).
[1] Abdoulaye Barro, « Phénoménologie des identités juive et noire », Pardès 2008/1, n° 44, p. 57-75.