Valérie Duval Poujol, qui enseigne le grec biblique, la critique textuelle du Nouveau Testament et la Septante à l’Institut Catholique de Paris, est notamment l’auteure de 10 clés pour comprendre la Bible (éditions Empreinte Temps présent, 2011).

Valérie Duval-Poujol, pouvez-vous présenter ?

Je suis théologienne baptiste. Docteure en histoire des religions (Sorbonne) et en théologie (Institut Catholique de Paris) j’enseigne dans plusieurs facultés de théologie le grec biblique, la critique textuelle (c’est-à-dire l’histoire des manuscrits) et la Septante (première traduction de la Bible). Engagée sur le plan œcuménique en différentes instances, je suis également présidente d’une association de sensibilisation contre les violences conjugales, Une place pour elles ). Mon mari est pasteur d’une église en implantation dans le Gard et nous avons un fils de 10 ans. 

Membre du comité scientifique de révision de la TOB 2010, vous dirigez aussi actuellement la révision de la bible en Français courant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Après la très belle aventure de la TOB, j’ai en effet le privilège de piloter le chantier de révision de cette Bible. Pour mémoire, la Bible en Français courant, une Bible portée et réalisée par l’Alliance biblique française pour l’ensemble des Sociétés bibliques francophones, membres de l’Alliance biblique universelle, a été publiée pour la première fois en 1971 pour le NT, 1982 pour la Bible en entier et a été révisée en 1997. On estime qu’une Bible doit être révisée tous les vingt ou trente ans.

La Bible en Français courant est une des Bibles en français les plus connues et répandues, et c’est aussi cette version qui est utilisée dans le grand succès jeunesse ZeBible, et aussi La Bible expliquée ou dans les éditions interlinéaires grec ou hébreu. Elle est diffusée dans la plupart des milieux confessionnels, même si on constate une certaine croissance dans les milieux catholiques, et dans les pays francophones, sur tous les continents, là où œuvrent les différentes Sociétés bibliques.

Avec la TOB, elle est aussi un modèle pour des chantiers de traduction en langues locales dans ces pays francophones (une trentaine de pays) : en effet, ces projets s’appuient largement sur la TOB et la BFC.
La première étape de cette révision a été la constitution de l’équipe de réviseurs. Je travaille avec une soixantaine de spécialistes de la Bible ainsi qu’avec un comité de référence pluriconfessionnel.

Quels sont vos axes de révision en vue d’une large compréhension francophone ?

J’en citerai trois. D’abord, adapter le vocabulaire : la langue française évolue, certains termes ne sont plus compris de la même manière ou sont devenus désuets, il vaut mieux en utiliser d’autres. Voilà des mots actuellement présents dans la BFC qui seront sans doute amenés à disparaître : « guerre sainte », « fanatique », « race » ou « frère de race », « caïds de village », « animal taré », « sots »… Nous veillons particulièrement, dans le choix du vocabulaire, à ne pas choisir des termes qui ne seraient pas compris dans toute la francophonie.
Nous allons également réintroduire certains termes « théologiques » comme « bénir », « ressusciter », « alliance », « saint », afin de favoriser le lien entre ce que les gens lisent dans leur Bible et la vie en Eglise.

Second axe : favoriser une traduction la moins sexiste possible. Lorsque le terme hébreu ou grec employé se réfère aux hommes comme aux femmes, nous essayons de trouver en français des tournures qui l’indiquent et non seulement de traduire par « homme ».
Enfin, nous allous aussi réécrire les introductions aux livres bibliques…  La sortie de la nouvelle bible en Français Courant est prévue pour 2019.

Quelle est la part et le rôle de la participation francophone non française dans l’équipe de révision ?

Puisque l’une des forces de la Bible en Français courant est d’être interconfessionnelle et francophone, cette participation est majeure !
D’abord, afin de nous permettre d’élaborer les consignes données aux réviseurs, nous avons envoyé un questionnaire à des pasteurs, des prêtres, des catéchètes, des professeurs d’Ancien et de Nouveau Testament des facultés francophones de théologie et aux Sociétés bibliques francophones. Ces dernières ont d’ailleurs été consultées tout le long du processus de révision, par exemple pour le choix du nom de cette Bible.

Ensuite, dans le choix des réviseurs, outre l’équilibre entre les différentes sensibilités du christianisme auquel nous avons veillé (nous avons des catholiques, des protestants de différentes sensibilités et un orthodoxe), nous avons tenu à un équilibre des origines géographiques et culturelles. Nous avons des réviseurs de France, Belgique, Canada, Afrique et Suisse. Nous avons aussi été désireux d’inclure des réviseurs femmes dans l’équipe.
De plus, une fois le travail de révision réalisé, nous avons associé des relecteurs de pays francophones.

Théologienne baptiste, vous occupez aussi des responsabilités dans la FPF : quel est, pour vous, ce qui nourrit le plus aujourd’hui le lien fédératif protestant ?

Ensemble avec nos frères et soeurs de différentes dénominations nous avons envie d’être témoins du Christ dans notre société française. Dans une société du repli identitaire, de l’entre-soi, montrons comment l’écoute de nos différences, dans un climat constructif, permet de servir un but commun. C’est tout à fait prophétique !

A vos yeux, que représente la francophonie protestante, et quels sont ses défis ?

La francophonie protestante est une chance, une réalité dont on n’a pas encore mesuré les potentiels, les enjeux, les responsabilités. On donne souvent comme définition de l’œcuménisme qu’il s’agit d’un « échange de dons ». C’est ce que je souhaite pour la francophonie : un échange de dons, que nous puissions nous offrir les uns les autres le meilleur de ce que nous avons reçu, dans la diversité de ce que Dieu a donné à chacun. Cela peut se produire dans nos voyages mais aussi ici même en France où les communautés protestantes ont déjà toutes les couleurs et saveurs de la francophonie.