Auteure-compositrice et interprète de Gospel, Mélina O. est de celles qui ont adopté le chant comme une vocation (1). Après un premier volet d’entretien où elle fait retour sur son parcours, elle réagit ici aux défis et projets qui s’annoncent.
Le Gospel francophone, notamment africain, est parfois soumis à des stéréotypes, et parfois une forme de racisme plus ou moins déguisé. En avez-vous souffert parfois ? Voyez-vous des évolutions positives ?
Il y a beaucoup de changement. Même dans le séculier, les musiques afro sont très tendances et le glissement se fait tout naturellement dans la sphère chrétienne. Les gens se sont habitués à entendre une musique Gospel qui vient des Etats-Unis mais les nouvelles technologies ont rendu plus accessible la musique d’un point de vue global.
En ce qui me concerne, j’ai également senti que ma musique était jugée inférieure parce que je ne faisais pas partie d’un label. Je viens d’Afrique et nous étions souvent jugés pour des personnes qui criaient au lieu de chanter. Je ne me suis pas arrêtée à ces situations. Je pense qu’il faut être là où on est attendu.e et que la consistance est une clef.
Beaucoup de gens apprécient le Gospel, mais il existe très peu de politiques publiques de soutien aux interprètes et aux groupes. Si vous aviez des suggestions à faire, quelles seraient-elles ?
Je pense qu’il faudrait qu’en tant que chrétiens, nous soyons davantage dans les systèmes qui décident pour que nos voix se fassent entendre. Nous sommes souvent très peu informés des structures et dispositifs mis en place pour accompagner les artistes. J’aime bien ce verset biblique, dans le livre des Proverbes (15 :14) qui énonce qu’ « Un cœur intelligent cherche la science, Mais la bouche des insensés se plaît à la folie. »
La pandémie du Covid19 en 2020 et 2021 a été ravageuse pour le marché de la musique, avec l’impossibilité d’organiser des concerts. 2022 s’annonce pour l’instant assez compliquée aussi… Comment avez-vous géré ce passage difficile ? Comment vous-êtes-vous adaptée ?
Cette pandémie, c’est un temps de réflexion pour le monde entier et plus spécialement les chrétiens. J’utilise ce temps pour être capable de naviguer de là où je viens, en passant par où je suis jusqu’à où je dois être.
J’utilise aussi cette période particulière pour écrire sur le temps et les saisons. J’ai d’ailleurs finalisé un ebook qui est disponible sur Amazon avec pour titre « Soyez la bénédiction que vous voulez que les autres soient pour vous » (2).
La pandémie de Covid-19 a emmené une nouvelle saison dans nos vies juste comme quand Noé a construit l’arche et en tant que chrétiens nous devons avoir les instructions pour construire notre arche.
Après une période assez calme, l’année 2021 a été artistiquement très productive pour vous, notamment avec le titre ILOLO (mêlant chant gabonais, myènè, chant chrétien et danse), très populaire sur la Toile d’internet. Quelle a été l’inspiration qui vous a poussée ?
C’était la saison pour le faire. Quand mon cousin, Alexe Ondjokou, m’a contacté pour me proposer cette inspiration totalement en myènè, j’ai aimé le concept et j’ai senti qu’il m’était offert une vraie pépite. Ilolo signifie acclamations, ovations. C’est une louange à Dieu, une célébration pour le don de son fils et la vie qu’il nous accorde. C’est un challenge et à la fois un test parce que c’est la première fois que je fais ce genre de projet. Je me suis dit que si le langage de la harpe de David pouvait apaiser le cœur de Saül, alors le myènè pouvait transmettre un message de joie même pour ceux qui ne le comprennent pas.
Quels sont vos projets pour 2022, mais aussi vos souhaits à moyen terme, non seulement pour vous, mais pour la communauté du Gospel francophone ?
« Ilolo » vient de passer la barre des 100 000 vues et j’espère bien que cette chanson, qui montre que nous pouvons louer Dieu avec la diversité de nos cultures, continuera d’être une bénédiction pour des multitudes.
Je travaille déjà sur d’autres chansons mais il faudra patienter encore avant d’en dévoiler un peu plus.
Proposer plus de formation, du conseil pour les artistes en herbe qui évoluent dans un contexte où il n’est pas très évident de faire connaître son talent est également dans mon agenda.
Je prie que le parfum répandu par les ministres du Gospel francophone apporte paix et délivrance dans ces temps de grande souffrance. Et que Dieu bénisse les lecteurs du portail Regards protestants !
(1) Cf. le portrait de Mélina O. (alors appelée Mélina Ondjani) en encadré dans Sébastien Fath, Gospel et francophonie une alliance sans frontière, Tharaux, ed. Empreinte, 2016, p.70.
(2) Finalisé en 2020, disponible en format Kindle.