Jean-Raymond Stauffacher est aussi président de la commission permanente des Églises réformées évangéliques de l’UNEPREF, membre de la Fédération Protestante de France.

En tant que responsable d’une union d’Églises rattachée à la FPF, pouvez-vous vous présenter et décrire vos principales activités ? 

Avec mon épouse, qui est pasteure, nous formons un couple pastoral. Nous avons deux enfants. Je suis en poste à Marseille où, depuis 14 ans, j’ai accompagné une communauté du centre-ville dans un processus de revitalisation. Au niveau de mon Union, j’entame mon deuxième mandat en tant que Président de la Commission Permanente, qui est notre instance de direction. Cette Commission a pour vocation de mettre en œuvre les décisions prises lors de nos Synodes, représenter notre Union en France comme à l’étranger et coordonner les différentes commissions de travail. Je visite régulièrement nos 48 communautés qui sont réparties dans un arc entre Bordeaux et Marseille. Récemment, nous avons entrepris de restructurer notre organisation car il était apparu que nos structures manquaient d’efficacité et qu’un travail d’adaptation était devenu nécessaire. L’adaptation est devenue aujourd’hui, dans le contexte d’une société en pleine mutation, un aspect fondamental pour toutes les Églises.

Quelle est la part, dans les Églises de votre Union, des francophones non français ?

Elle est, à l’image de l’ensemble du protestantisme en France, en expansion. Récemment, une de nos Églises a connu une recomposition accélérée du fait de l’arrivée de plusieurs familles de migrants venus d’Afrique subsaharienne alors que, jusqu’ici, les membres de la communauté étaient plutôt des locaux. Cela ne va pas sans questionnements mais nous aurions tort de penser que ce n’est pas une des principales questions pour l’avenir de notre protestantisme en France, y compris pour les Églises rurales. Ces dernières sont au cœur de nos préoccupations car si l’on peut constater que le protestantisme des villes se porte plutôt bien, celui des campagnes est souvent en difficulté. Les communautés vieillissent et peinent à se renouveler. Souvent associées à un passé prestigieux mais révolu, elles n’ont que peu d’attrait pour les populations néo-rurales, en demande d’un autre type de lien social. L’arrivée massive de migrants d’origine protestante et évangélique dans les années à venir pourrait peut-être encore davantage changer la donne et placer l’enjeu de l’interculturalité au centre. Là encore, la capacité de nos Églises à s’adapter sera déterminante.

Pourriez-vous décrire les relations missionnaires que vous entretenez avec la francophonie ?

Nous sommes historiquement engagés dans le DEFAP et la CEVAA. Nous sommes reconnaissants de l’émulation que ces deux organismes nous ont apportée pour vivre et penser la mission dans le contexte de la décolonisation. Nous profitons régulièrement des échanges et formations qu’ils nous proposent et soutenons régulièrement leurs projets. Le slogan : « la mission du bout du banc au bout du monde » a grandement influencé notre façon de voir la mission et de la vivre ces dernières années. En interne, une Coordination mission, fruit de notre toute nouvelle restructuration, a pour objectif de proposer au Synode des projets missionnaires issus de nos Églises locales. Certains de ces projets jouent ouvertement la carte de la francophonie comme, par exemple, le soutien apporté par l’association « Je, tu, ils » à une école chrétienne de langue française en Guinée Conakry. Par ailleurs, un bon tiers de notre corps pastoral vient aujourd’hui de pays étrangers, y compris non francophones (Hollande, USA, Brésil) et nous aide à nous poser la question de la francophonie de manière plus globale. Celle-ci demeure plus que jamais à nos yeux un lieu à partir duquel l’élan missionnaire peut se vivre aussi comme venant de partout et allant vers partout.

Au sein de quels réseaux francophones êtes-vous le plus impliqué ?

Le premier responsable du réseau Mosaïc, qui travaille, au sein de la FPF, en direction des Églises issues de l’immigration, a été un de nos anciens présidents. Il nous a sensibilisés à la question de l’accueil des nouvelles Églises en France. Plusieurs de nos communautés reçoivent d’ailleurs dans leurs locaux d’autres Églises, la plupart du temps membres de la Fédération protestante, et vivent déjà une forme d’accueil. Chargé du Réseau Mosaïc à Marseille, j’ai pu le structurer au cours de ces dernières années et je suis aujourd’hui convaincu de la nécessité de ce ministère sur le plan national. Je suis reconnaissant du travail accompli dans ce sens par Jane Stranz, responsable du service œcuménisme de la Fédération, ainsi que par David et Julie Brown avec qui nous avons collaboré durant 4 ans à Marseille avant qu’ils ne partent pour Paris. La mondialisation a rajouté à la liste de nos responsabilités de chrétien celle de la main tendue sans prérequis. C’est une nouvelle façon de mettre en pratique la grâce que nous avons reçue en Christ. Je reste convaincu que c’est la capacité qu’a notre protestantisme à se reconnaître dans ses diverses composantes qui sera, dans les années qui viennent, la contribution la plus pertinente pour une société française qui semble parfois moins bien équipée que d’autres à assumer les différences. Je crains par-dessus tout que notre protestantisme avance vers le XXIème siècle en trois blocs qui auront choisi l’étanchéité plutôt que la porosité : les luthéro-réformés d’un côté, les évangéliques de l’autre et les Églises de migrants dans un no man’s land.

Pensez-vous qu’il y a une manière francophone de vivre le protestantisme ? Si non, pourquoi ? Si oui, comment la décrire ?

Je me souviens d’une initiative prise par la CEVAA, il y a quelques années, qui avait largement diffusé un CD de cantiques chantés dans plusieurs Églises francophones du réseau. Nous étions tous invités à nous approprier ces chants venus d’ailleurs et à nous en enrichir. Ce genre d’initiative montre que certains veulent valoriser l’identité francophone protestante mais qu’elle manque, il faut en convenir, singulièrement de visibilité. On peut se risquer à douter qu’il existe vraiment une volonté globale pour la mettre en avant. Je pense qu’une partie du problème est que nous, les protestants français, manquons de distance sur le poids de notre propre culture et peinons à formuler un récit de notre propre identité qui soit articulé aux autres.