Fondée en 1841 à Paris, la communauté des diaconesses de Reuilly est atypique. Elle s’inscrit en effet dans le protestantisme, famille du christianisme qui n’a jamais cherché à favoriser les ordres religieux. Une de ses figures de proue, Sœur Bénédicte[1], nous en apprend aujourd’hui davantage.

  1. Sœur Bénédicte, pouvez-vous vous présenter ?

Dans ce temps particulier de reconstruction de la France après la guerre de 1940, mes parents étaient fort occupés par le quotidien. Dieu ne faisait guère partie, semblait-il, de leur horizon. C’est à treize ans que pour la première fois, lors d’une expérience essentielle pour moi, j’ai pressenti la présence du divin d’une manière si forte que je me suis mise en route intérieurement pour avancer dans cette quête, pour tangiblement le chercher. J’allais partout où je pouvais entendre parler de Dieu, dans des milieux catholiques, protestants, pentecôtistes … Un essentiel était là en moi, bien secret. A 16 ans j’ai opté pour le protestantisme, très marquée par le Christ et ses paroles qui me rejoignaient tellement. Le christianisme était la voie où je me sentais bien, reconnue par un Amour qui m’était gratuitement offert, sans autre condition que de lui dire oui. Mais j’avais une vraie difficulté à choisir parmi toutes les familles chrétiennes que peu à peu je découvrais.

Finalement c’est une Eglise réformée à Bergerac qui m’a accueillie. J’avais en classe une merveilleuse amie catholique qui me disait souvent qu’elle serait sœur ! Elle a fondé une famille et a eu cinq enfants mais à travers ses paroles, j’ai compris que ce qu’elle cherchait me rejoignait. J’ai alors lu dans un journal chez ma grand-mère un  témoignage relatant la consécration de deux diaconesses de Reuilly, des sœurs protestantes. J’ai eu le pressentiment qu’il pouvait y avoir là un lieu de vie pour moi. J’ai pris la décision, malgré l’opposition assez vive de mes parents, d’aller les rencontrer. J’ai pu venir leur poser mes questions et j’ai compris que j’étais conduite à partager leur vie du dedans pour une première année dite de Postulat. Ce temps a été une ratification claire pour moi, claire bien qu’exigeante car je connaissais alors fort peu la Bible et je me trouvais avec des postulantes qui avaient déjà une connaissance chrétienne. De plus le choix du célibat, d’une vie sobre avec une mise en commun de tous ses biens, d’une soumission mutuelle, cela pour la vie après un temps de noviciat de quelques années, demandait une réflexion. Dans ce temps un peu solitaire, une conviction profonde a mûri en moi et je vois combien aujourd’hui cette vie de diaconesse était le chemin que le Seigneur voulait pour moi et combien j’en ai été comblée.

  1. En quoi consiste la Maison d’Unité dont vous vous occupez ?

Une mère de famille, Isabelle de Soyres, catéchète catholique au collège des sœurs de Sainte Clotilde 101 rue de Reuilly dans le douzième arrondissement de Paris, qui jouxte l’Ecole d’Infirmières et l’hôpital des Diaconesses de Reuilly, participait à une session au Centre chrétien de Gagnières. C’est là qu’elle a reçu dans la prière la conviction d’une Maison d’Unité habitée par des jeunes de toutes confessions chrétiennes… S’étant confiée aux responsables catholique et protestant de la rencontre, elle est revenue à Paris et s’en est ouverte aux supérieures de la congrégation des sœurs de Sainte Clotilde et de la Communauté des Diaconesses de Reuilly.

Chacune se sentait démunie devant une telle attente mais on a proposé qu’une sœur de ces deux communautés la soutienne dans un premier temps. Cela a débouché, chaque mardi soir, sur une heure de prière et de partage dans la chapelle des sœurs de Sainte Clotilde, temps ouvert à ceux et celles qui désiraient les rejoindre. Une réflexion se précisa avec  la contribution de Michel Mallèvre, dominicain et du pasteur Gill Daudé, qui a ouvert il y a quatre ans sur une première expérience concrète du 1er septembre au 30 juin. Quelques jeunes, protestants et catholiques, logeant dans diverses  colocations se sont réunis chaque mardi soir pour un repas convivial suivi d’un cursus de formation œcuménique prolongé par une heure de prière en lien avec le témoignage abordé. Par exemple si le temps d’enseignement était orienté sur une présentation de  l’Eglise orthodoxe, la prière prenait la couleur des vêpres orthodoxes…  D’année en année, la vie s’est structurée. Les candidats viennent de milieux de plus en plus divers : cette année plusieurs sont évangéliques, à la rentrée prochaine une orthodoxe se joindra pour la première fois, amie d’une jeune luthérienne. La colocation permet une expérience concrète le plus souvent très riche[2]. La nécessité du dialogue aide à comprendre la réaction de l’autre, à lui donner sens, à la faire aller plus loin, au-delà de la simple curiosité, de l’énervement…..

  1. Quelle part prend la francophonie au niveau des résidents ?

Cette année, les jeunes, âgés de 20 à 35 ans, sont d’origines particulièrement diverses et l’on peut témoigner que l’on vit une francophonie tout à fait passionnante, une ouverture culturelle comme cultuelle : Migrants de la deuxième ou troisième génération, avec eux l’Europe est là : franco-portugais, franco-espagnol, franco-allemande comme l’Afrique avec l’Angola, Madagascar, le Bénin, et l’Amérique par une américaine née à Taiwan. Cette richesse est très palpable au cours des conversations à table, des échanges avec les intervenants, en français. Elle aide à construire au fil des mois une communauté de plus en plus œcuménique non seulement au niveau des diversités confessionnelles mais aussi culturelles.

  1. Y-a-t-il d’après vous une spécificité protestante et si oui laquelle ?

Une liberté d’esprit, une connaissance de la Bible sans intermédiaire sont  deux points qui me paraissent  assez spécifiques de l’esprit protestant.

  1. Quelle est l’ouverture internationale des diaconesses de Reuilly ?

Les sœurs  viennent  de France,  mais aussi de Suisse, d’Allemagne, de Norvège, de Finlande, de Tahiti,  du Cameroun. Présentes par une petite fraternité en Norvège et à Tahiti, elles contribuent à la croissance d’une belle communauté d’une trentaine de sœurs, novices et postulantes camerounaises à Bamenda à la frontière du Nigéria.

 

[1] Auteure de A la recherche de la grande couleur chrétienne, ed. Olivétan, 2016.

[2] Signalons que la Maison d’Unité cherche toujours, pour colocation, un F3 ou un F4 disponible sur Paris pour la rentrée de l’année 2017-18. A bon entendeur…