Le christianisme était déjà implanté depuis quelques années sur la Grande Île, via la London Missionary Society, à l’œuvre depuis 1824. Rasalama, jeune femme convertie, est restée jusqu’à ce jour la figure la plus emblématique de ces premiers chrétiens malgaches, dans un contexte assez hostile à la nouvelle religion.
Lorsque sa famille s’est installée à Manjakaray, dans les faubourgs de la capitale du pays, Rasalama est devenue membre d’une première communauté chrétienne autochtone, à Ambodin’Andohalo, non loin du palais royal. On la compte parmi les premiers convertis malgaches à être baptisés, en mai 1831.

Un film documentaire sur Rasalama en 1937
A noter que la figure de Rasalama, « femme forte, femme de foi » croise aussi la francophonie sous l’angle de la culture cinématographique : on estime que le premier film africain fait par un africain aurait été le documentaire de 22 minutes, sans doute principalement en langue française, réalisé en 1937 par le Malgache Philippe Raberojo. Intitulé Rasalama Maritiora, réalisé en noir-et-blanc, il marque un jalon fort dans l’histoire du septième art en Afrique et à Madagascar, alors soumise au joug colonial français.
Son réalisateur était président d’une association francophone de citoyens français d’origine malgache. C’est à l’aide d’une caméra de 9,5 mm qu’il a réalisé ce docu-fiction qui « célèbre, pendant vingt-deux minutes, la colonisation française à Madagascar, notamment en montrant les constructions et les missions » (2)… Mais le film rend aussi hommage à une martyre chrétienne malgache, marquant ainsi une volonté de réappropriation forte, par et pour les Malgaches, d’une identité chrétienne qui ne saurait se résumer à l’occupation coloniale. Montré en 1938 dans la capitale malgache, le film est aujourd’hui perdu… Jusqu’à la proclamation de l’indépendance de Madagascar en 1960, on ne compte plus aucune autre réalisation cinématographique malgache. Aujourd’hui, la mémoire vivace de Rasalama s’est recomposée au travers d’une vaste culture populaire qui rend aussi hommage, dans la mémoire nationale, au rôle fondateur… des femmes : une manière de revaloriser un important héritage matriarcal précolonial, souligné par Koloina Andriamanondehibe (3). Mise à mal par le patriarcat moderne qui s’est imposé depuis la colonisation, cette culture matriarcale malgache trouve, via la figure chrétienne de Rasalama, une figure (re)fondatrice.
(1) Gerald H. Anderson, » Rasalama Rafaravavy« , Biographical Dictionary of Christian Missions, Grand Rapids, W. B. Eerdmans 1998
(2) Karine Blanchon, « Les enjeux du court métrage malgache », Revue Mise au point, 11, 2018
(3) Lire à ce sujet Koloina Andriamanondehibe, » Déconstruire l’antagonisme entre féminisme et société à Madagascar », en trois volets, sur le site de l’Institut du Genre en géopolitique (https://igg-geo.org/)

