La princesse Hélène avait été choisie par la famille royale de France pour épouser Ferdinand-Philippe d’Orléans, héritier du trône et fils du roi Louis-Philippe. Originaire du Mecklembourg, Hélène était Allemande et francophone. Le pasteur José Loncke, auteur d’une biographie de la princesse aux éditions La Cause, nous rappelle que dès l’âge de deux ans, elle avait été enseignée par une gouvernante suisse de Genève, Nancy Salomon (1796-1862). La jeune Hélène parlait ainsi le français couramment. Amatrice de lectures françaises, y compris des journaux venus de Paris, elle prisait la langue de Molière, qui était aussi celle de Calvin, et à sa suite, de nombreux huguenots réfugiés en terre allemande après la Révocation de l’Edit de Nantes (1685). A mesure qu’elle perfectionne sa formation intellectuelle, Hélène se mettra « à parler par préférence une langue qu’elle avait jusqu’alors parlé négligemment »[1].
Installée à la Cour de France après son mariage (30 mai 1837), la princesse allemande, bien que francophone et francophile, n’était pas forcément partout la bienvenue. Mais elle se fera rapidement accepter, puis apprécier, puis aimer. Protestante convaincue, on la retrouve dans des cercles luthériens, réformés, évangéliques parisiens comme le temple des Billettes ou la chapelle Taitbout. Sa vive intelligence, son caractère agréable et son sens de la famille font merveille. « C’est une vraie trouvaille que cette princesse », s’exclame alors la duchesse de Dino. Son itinéraire sera pourtant marqué par les épreuves, dont le décès accidentel de son mari, héritier du trône, en 1842, puis par la Révolution de 1848 qui la force à l’exil.
Un sapin de Noël aux Tuileries
Mais elle a entre temps laissé une marque, notamment pour avoir favorisé un début d’acclimatation à Paris du sapin de Noël. Jusque là, l’habitude d’illuminer un sapin à l’approche de Noël était réservée à l’espace germanique, où l’on préfère l’arbre de Noël à la crèche. A la rencontre des deux mondes, la princesse Hélène ouvre une nouvelle page. Soyons justes : la coutume de l’arbre de Noël ne s’est pas répandue en France à l’initiative exclusive de cette princesse allemande francophone ! Via la Lorraine, l’Alsace et diverses médiations culturelles, le sapin s’est appuyé sur bien des atouts pour gagner en France sa place de choix au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Mais l’exemple donné par la princesse de Mecklembourg a joué un rôle précoce à Paris. Séjournant à Neuilly pour la fête de Noël 1837, elle écrit à sa mère : « la bonne reine (Marie-Amélie de Bourbon) m’avait procuré une surprise, en faisant garnir secrètement un bel arbre qu’on plaça dans mon salon blanc, pour qu’il me rappelât l’Allemagne »[2]. Pus tard, elle décorera plus officiellement aux Tuileries, en compagnie de ses enfants, « le premier arbre de Noël de la capitale » en 1840 (J. Loncke). L’arrivée du sapin de Noël aux Tuileries à la Cour de France va nourrir, dans les années 1840, une première mode bourgeoise, centrée sur la famille et la piété. Mais cette vogue lancée par la princesse protestante reste limitée en France de l’intérieur. Elle se développera après 1870, sur influence alsacienne, et via les écoles du dimanche protestantes[3], pour transformer le sapin en accessoire presqu’indispensable à un Noël familial réussi.
[1] José Loncke, Hélène d’Orléans, reine de cœur des Français, Carrières-Sous-Poissy, La Cause, 2011, p.21.
[2] Cité par Alain Cabantous et François Walter, Noël, une si longue histoire, Paris, Payot, 2016, p.103.
[3] Anne Ruolt, « L’arbre de Noël, ou la leçon de chose protestante », Réforme, 23 décembre 2010.