Cet établissement francophone très accueillant constitue l’un des fleurons de l’offre médicale au Burkina Faso. Il est le fruit d’une œuvre de la Mission Française des Assemblées de Dieu (ADD), principale union d’églises pentecôtistes. Visité à l’automne 2015, l’impression générale donnée par ce centre est l’accessibilité, le professionnalisme et le sens du service. Marie-Claire Traoré tient les rênes de cette institution protestante burkinabè. Elle est épaulée par son mari Alpha, directeur de la station missionnaire, qui comporte un collège protestant. Elle nous en apprend davantage. Entretien.
Marie-Claire Traoré, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis une malouine, une Bretonne. J’ai ressenti très jeune un appel pour la mission. Pourtant, je m’orientais vers des études de lettres à Rennes, mais en 1968, un appel est venu du collège de Loumbila, en Haute Volta (actuel Burkina Faso). J’étais très croyante, je voulais faire le plan de Dieu. En priant, la même année, j’ai reçu le baptême du Saint-Esprit, au mois d’août 1968. Ainsi équipée, je suis partie, j’ai enseigné durant neuf ans, et me suis mariée en 1977 avec un jeune pasteur, Alpha. J’ai voulu alors m’orienter différemment, mais toujours dans l’enseignement. Le collège protestant de la station missionnaire des Assemblées de Dieu à Ouagadougou m’a prise comme professeur de français dès octobre 1977. J’ai enseigné ensuite durant 22 ans à Ouagadougou dans ce collège.
Comment en êtes-vous arrivée à prendre en charge le Centre médical ?
Dans la seconde moitié des années 1990, alors que mon mari était membre du bureau de la mission, le problème du dispensaire de Schiphra[1] s’est posé. Ce dispensaire, devenu plus tard centre médical, est situé dans la station missionnaire pentecôtiste des Assemblées de Dieu (ADD). Il a été créé le 28 juillet 1953 par les missionnaires français Mr et Mme Dupret. Il s’agit de l’un des plus anciens dispensaires de la capitale et même du pays. En 1997, il était en difficulté. Les équipements étaient vétustes, et la trésorerie en berne. Mon mari a demandé à des missionnaires français, ou belge, ou suisse, et à des Burkinabés docteurs et d’autres, de voir comment sauver le dispensaire de la ruine. Un comité de réflexion s’est mis en place. Je n’étais pas dans ce comité, j’étais toujours enseignante. Un matin, très tôt, dans la prière, c’est comme si Dieu me disait qu’il a ouvert une porte, et que je devais prendre cette porte pour accomplir le plan du Seigneur, qui était de reprendre le dispensaire. J’en ai parlé à mon mari, j’en ai parlé au président des ADD de l’époque, à Paul Calzalda, directeur de la mission. J’ai eu l’aval de la mission de l’Eglise africaine, et j’ai laissé les cours en mai 1999. Je suis venue prendre en main le dispensaire en juin 1999.
Vous n’aviez pas lien avec le milieu médical… Comment avez-vous fait ?
Il y avait beaucoup à accomplir. Je ne voulais pas travailler seule. Sur le modèle du comité de réflexion mis en place au sujet du dispensaire, de la même manière, j’ai demandé l’aide d’un comité de gestion pour la relance de l’établissement. J’étais professeur de français, je n’avais pas de compétences pour gérer un dispensaire ! Cela est venu petit à petit. Avec le comité de gestion, nous avons eu beaucoup de réunions au début. Il fallait tout reprendre. Je me suis formée. Nous avions une bonne équipe. Nous avons renouvelé le personnel et les pratiques, encouragé la prière et l’expression concrète de la vie chrétienne, au service du prochain. Progressivement les choses ont (re)pris vie.
Comment a évolué le centre depuis 1999 ?
Au début, il n’y avait plus de malades ! Mais les malades sont vite revenus, au fur-et-à mesure que le centre se rééquipait et devenait plus opérationnel. Depuis 1999, nous avons franchi un cap en devenant CMA, Centre Médical avec Antenne chirurgicale. Nous avons commencé en 2000 avec la radio (os et poumons). Notre offre de soins s’est renforcée en 2006 par l’acquisition d’un scanner, et l’adjonction des services de mammographie et panoramique dentaire. La maternité s’est constituée en octobre 2001, en présence de Mr et Mme Dupret. Nous pratiquons aujourd’hui plus de 60 échographies par jour… Puis en 2002, nous avons mis l’accent sur le développement de la médecine générale et de la médecine spécialisée : odonto-stomatologie, gynécologie, pédiatrie, cardiologie.
Pneumologie, psychiatrie, urologie, neurologie, ORL se sont ajoutés ensuite à la panoplie des services proposés. Il y a eu bien des obstacles, comme ces pluies torrentielles, le 1er septembre 2009, qui ont beaucoup détruit. Mais Dieu a fait grâce et a pourvu. Nous avons non seulement pu reconstruire mais aussi investir et développer le centre. Nous avons reçu de l’aide de divers horizons, y compris de la France, comme cette association de neurologues qui, durant 4 ans, nous ont épaulés, sont venus sur place, et nous ont accompagnés dans notre vision.
Quel est le statut et l’objectif premier de ce centre ?
Il s’agit d’une structure privée, mais l’Etat burkinabé affecte ici de nombreux agents de santé, et il témoigne d’une grande bienveillance pour le centre avec lequel il est partenaire. L’ambassade de France nous a bien aidés aussi pour la construction du bloc de chirurgie générale. Le public visé, ce sont d’abord les déshérités, celles et ceux qui n’ont pas forcément les moyens de bénéficier d’un accompagnement de santé, d’une intervention chirurgicale. Nos tarifs sont réputés très abordables, et beaucoup, qui n’auraient pas les moyens ailleurs, peuvent venir se soigner ici. Notre cap est maintenant de devenir un hôpital à part entière. Nous faisons confiance à Dieu et continuons à œuvrer.
[1] Nom d’une sage-femme mentionnée dans la Bible (Exode 1 : 15).