Interview de l’historien Pap Ndiaye

Malcolm X est un homme du Nord alors que Martin Luther King a grandi dans le Sud des États-Unis. Qu’est-ce qui différencie ces deux parties du pays?

Jusqu’au milieu des années 1960, le Sud est ségrégué. Sauf exception, la population noire n’a pas de droit de vote. C’est ainsi depuis la fin du XIXe siècle et l’instauration des lois Jim Crow. Un véritable régime d’apartheid corsète tout le sud du pays. Les lynchages y sont réguliers. Par opposition, le nord des États-Unis est très industrialisé. La population noire s’y installe à partir des années 1910, fuyant la violence du Sud. Dans le Nord, les lois de ségrégation sont évidemment moins dures et les noirs peuvent voter. Pour eux, c’est une forme de libération. Mais ils rencontrent la misère des ghettos, les difficultés économiques, bref, les demandes dans le Nord sont présentes et se font sentir de façon extrêmement vive à partir du milieu des années 1960.

Ces deux figures ont donc grandi dans des terreaux très différents?

Oui. Martin Luther King est issu des milieux bourgeois du Sud. Il est né au sein d’une famille respectée. Il a effectué des études de théologie et il a même obtenu un doctorat. Ce qui est assez rare pour un pasteur noir baptiste.  De son côté, Malcolm X vient d’une famille qui ne va pas tarder à éclater. Bien qu’il se montre brillant à l’école, il ne pourra pas poursuivre ses études. Ce n’est pas à l’université qu’il va se former, mais en prison. Malcolm X est un homme issu des ghettos noirs du Nord. C’est pourquoi il a toujours été en résonance avec la jeunesse des grandes villes de Détroit, Chicago ou New York. […]