Un contenu proposé par le théologien Antoine Nouis

Logique catholique

Dans la tradition catholique, la mission du prêtre est définie par le décret Presbyterorum ordinis (ordre des prêtres) du concile Vatican II. Le texte est un peu difficile, nous pouvons le résumer de la façon suivante.

Le Christ veut que tous les hommes soient sauvés, et pour cela, il a choisi de les réunir en un corps, l’Église, dont tous les membres n’ont pas la même fonction. C’est ainsi que les apôtres qui ont été appelés par le Christ ont transmis à leurs successeurs la mission d’annoncer le salut par la proclamation de l’Évangile et la pratique de ce qui sera appelé plus tard les sacrements. Ces témoins ont à leur tour transmis cette mission à d’autres qui ont été appelés « épiscopes », ou « évêques ». Selon cette compréhension, l’évêque est le seul à disposer pleinement de la mission et du pouvoir des apôtres, mais comme il ne peut pas être partout à la fois, il appelle d’autres hommes, les prêtres, à participer à sa mission à un degré subordonné.

Le prêtre est celui qui, en lien avec son évêque, a le pouvoir, à la place du Christ, de faire vivre l’Église en transmettant aux fidèles la parole de l’Évangile et l’enseignement de l’Église, en présidant les sacrements dont les principaux sont l’eucharistie et le baptême, en ayant le pouvoir de pardonner au nom du Christ, et en accompagnant les fidèles dans leur chemin de vie, notamment quand ils traversent la maladie et le deuil. Sa mission est de rendre le Christ vivant au milieu des humains. C’est grâce à lui que le Christ peut être présent partout et en tout temps. S’il n’y a pas d’Église sans un peuple de baptisés, il n’y a pas non plus d’Église sans prêtre.

Cette approche du sacerdoce est la conséquence d’une compréhension de l’Église dont l’organisation a été ordonnée par le Christ qui a délégué son autorité à certains hommes pour révéler l’amour du Père et agir en son nom.

Logique protestante

Nous avons vu dans l’article précédent que la lecture protestante de l’Église est différente puisqu’elle ne se présente pas comme une organisation, mais comme un événement : il y a Église quand l’Évangile est manifestée par la parole et par le signe du baptême et de la cène. La mission première du pasteur est décalée par rapport à celle du prêtre : elle ne consiste pas à représenter le Christ, mais à faire advenir l’Église par la proclamation de l’Évangile. En renvoyant toujours à l’autorité des Écritures, la Réforme a accordé un rôle particulier à celui, celle, qui avait pour mission de proclamer et d’interpréter l’Évangile.

Pour reprendre une image de l’apôtre Paul, l’Église est conçue comme un corps comprenant différents membres. Les protestants sont attachés à la diversité des ministères : à côté des pasteurs, il y a des catéchètes, des anciens, des évangélistes, des diacres… Le pasteur a un rôle important, car il a un ministère d’unité qui permet aux différents membres d’être bien articulés les uns aux autres, mais, à la différence du prêtre, il n’est pas indispensable à l’Église. La tradition protestante dit que le pasteur n’appartient pas à l’être de l’Église, mais à son bien-être. Une Église qui n’a pas de ministre ordonné est pleinement Église même si sa situation est moins confortable.

Dans sa responsabilité de prédication et d’enseignement, le pasteur a pour mission d’aider les membres de l’Église à assumer leur vocation de témoins. Le théologien Roland de Pury utilise une image : « Dans l’armée de combattants constituée par l’Église, le pasteur occupe la place du cuisinier. Il prépare et distribue la nourriture. Mais ceux qui sont en ligne, ceux qui se battent régulièrement, ceux qui témoignent face à l’ennemi, ce sont les laïcs… Le rôle premier du pasteur est d’aider les fidèles à témoigner en leur procurant les aliments indispensables à leur semaine chrétienne. »

Les différences

Symboliquement, l’habit liturgique du prêtre est une aube alors que son homologue protestant porte une robe pastorale. Ces vêtements renvoient à deux compréhensions de l’Église. L’aube avec son étole sont le signe que le ministre a bien été ordonné et qu’il a reçu l’autorité pour être prêtre, alors que la robe pastorale est initialement un habit qui indique un grade universitaire. Elle signifie que le pasteur a reçu une formation qui lui permet d’interpréter les Écritures avec justesse.

C’est dans cette logique que se comprend le célibat des prêtres qui, selon le décret de Vatican II, a été conseillé par le Seigneur. S’il n’est pas nécessaire au sacerdoce (la Bible nous dit que Pierre était marié et pendant des siècles et aujourd’hui encore dans les Églises orientales, il y a des prêtres mariés), il présente de multiples convenances. Il manifeste que le prêtre est, à l’image du Christ, totalement donné à Dieu et à ses frères, et disponible pour sa mission. Le célibat fait du prêtre un homme à part alors que le pasteur marié connaît de l’intérieur la vie de famille des membres de l’Église.

En lien avec le célibat, l’Église catholique pense que la prêtrise ne peut être assumée que par un homme puisqu’il est un représentant du Christ pour les fidèles. Dans la compréhension protestante, une femme est aussi qualifiée qu’un homme pour prêcher l’évangile et exercer un ministère d’unité. Pendant des siècles, le ministère était réservé aux hommes, mais c’était plus pour des raisons sociales que théologiques. Il n’y avait pas de pasteur femme de même qu’il n’y avait pas de chirurgien, de pilote d‘avions ou de général d’armée femme.