Dans le Vaucluse, nous trouvons 4 temples protestants du 17e siècle, dotés d’un arc central placé dans le sens de la longueur. J’ai la chance de travailler comme architecte sur un temple de ce type, en Lozère, qui est intact – le dernier intact sans doute d’une période, les 16e et 17e siècles, où ces temples furent nombreux. Il s’agit du temple du Collet de Dèze, construit vers 1646. Il est de petite dimension: 11x15m. Il peut recevoir environ 100 personnes. Il fonctionne toujours comme temple protestant. Vous pouvez y faire l’expérience de l’effet de cet arc dans la réalité.
Les dessins du traité de Jaques Perret Des fortifications et artifices publiés à la fin du 16e siècle prouvent que ce type de temple fut un modèle dans le sud de la France. Le grand temple de Montpellier et celui de Nîmes en furent les premiers exemples célèbres à cette époque. Pour nommer ce type de temple, il me semble qu’on peut parler de temple à arc.
Mais beaucoup de temples ont des arcs, et ne sont pas pour autant des temples à arc.
Voyez dans la même région l’ancien temple d’Anduze qui fut construit avant celui du Collet de Dèze (1600), ou celui du Pont de Montvert, plus récent (1848), qui propose une disposition comparable à celle d’Anduze (ci-dessous, photo Vincent Carrère).
L’arc est bien présent. Mais vous noterez qu’il est perpendiculaire à l’axe d’entrée, il cadre et valorise le chemin qui passe dessous et la destination de ce chemin, ici la chaire.
Voyez maintenant le temple de Lézinier, situé lui aussi en Lozère (1831) (ci-dessous).
Nous y trouvons trois arcs croisés qui forment un espace en rotonde tout en portant les poutres du toit. Il n’y a que des arcs ici, l’entrée et la chaire se situent entre les arcs.
Dans les deux cas, l’arc porte la charpente et libère le lieu de rassemblement de toute colonne ou de tout poteau. Il est utile pour créer l’espace du temple. En architecture, on dira qu’il est servant. Il sert à mettre en valeur quelque chose de servi. Ce qui est servi dans ces temples se trouve au centre ou au bout de la perspective: la chaire et le cheminement vers la chaire, ou l’espace en forme de rotonde et l’assemblée qui s’y réunit.
Au Collet de Dèze, l’arc contribue aussi à créer l’espace du temple, mais cette fois il est servi. C’est un objet qui vaut en soi, il est au bout de la perspective, il capte notre attention sur lui. Sa forme est distincte, unique, dans le volume du temple – presque comme un objet dans un écrin. Il est présent dès l’entrée et jusqu’à la chaire. Le regard est toujours ramené vers lui, et il prend en charge beaucoup de fonctions: la chaire est appuyée contre l’arc, la circulation qui dessert les bancs suit exactement l’axe de l’arc, le lustre apportant la lumière était attachée au sommet de l’arc. Résumons. Il est central et singulier, il assure beaucoup de fonctions, et enfin, on sent bien qu’il est la clef de la qualité spirituelle de ce lieu. Sans l’arc, le bâtiment serait quelconque.
L’arc est donc en quelque sorte le trésor du temple. C’est vrai ici, et de même dans ces temples du Vaucluse dont nous parlons. Nous pouvons les désigner à juste titre de temples à arc. Essayons de comprendre pourquoi ce type de temple est devenu un modèle. Pour cela je vous propose de commencer par l’expérience vécue que le temple intact nous permet de faire.
Un objet architectural
Je pense qu’on peut ranger cet arc dans une famille que j’appellerais celle des objets architecturaux. Cela va nous aider à comprendre comment cet arc nous touche.
Voici 3 exemples d’objets architecturaux.
Le premier exemple est celui de l’église des Jacobins à Toulouse, une église dont les voûtes sont portées par une suite de colonnes au centre, mais la dernière colonne, qui fut construite plus tard, a pris une valeur d’objet en soi, elle a été décalée pour faire en sorte que les voûtes tournent complètement autour d’elle, d’où le nom de palmier qui lui a été donné. Et ce palmier a un effet puissant, unificateur de l’espace autour de lui. Il est devenu le trésor de l’église. On vient la voir à cause de […]