Une forte majorité féminine

C’est une des relatives surprises de l’enquête interne conduite par l’église MLK de Créteil : en 2025, l’Église MLK Grand Paris se distingue par un public très majoritairement féminin, jeune, par ailleurs résolument ouvert à la francophonie et à l’international. Connu depuis longtemps des sociologues, le dimorphisme sexuel dans la pratique religieuse chrétienne, en France, est un « classique ». Les femmes tendent à pratiquer davantage. Mais l’écart en leur faveur, ici, est particulièrement significatif. L’enquête MLK 2025 (Q29) révèle que 69,86 % des 3888 personnes qui ont répondu sont des femmes, contre 30,14 % d’hommes, soit un ratio de 2,3 pour 1. Où sont les hommes ? En comparaison, l’enquête IFOP 2024 (Q1), qui repose sur une méthodologie tout à fait différente, à partir d’un échantillon national représentatif, ne donne pas d’indication précise sur la proportion homme-femme au sein de l’ensemble du protestantisme français actuel (1). Cette surreprésentation féminine à MLK se retrouve-t-elle ailleurs, ou non ? Tient-elle à des causes générales, liées à l’attrait global de l’évangélisme ?

Il nous semble qu’une analyse plus fine est nécessaire ici. L’église MLK se caractérise en effet par une approche plus ouverte aux ministères féminins que celle de la ligne dominante des Assemblées de Dieu (navire amiral du pentecôtisme en France). On peut faire l’hypothèse que par rapport à un paysage pentecôtiste francilien de type ADD resté souvent conservateur en matière de prédication féminine, l’option plus accueillante défendue par l’église MLK créerait un appel d’air, attirant nombre de femmes évangéliques lassées d’une forme de patriarcat conservateur qui réserverait toujours la prédication aux hommes (2). La variété des programmes, typique d’une megachurch, comme les groupes de jeunes adultes (Q58, « Chill & Connect ») ou les rencontres œcuméniques (Q19) favoriseraient aussi des espaces d’engagement pour l’initiative féminine, offrant des interfaces de soutien particulièrement appréciés par les femmes.

Une communauté jeune, ouverte à la francophonie et à l’international 

L’enquête MLK (Q30, 3890 participants) montre une population jeune. Les enfants n’ont pas été interrogés pour l’enquête, mais une chose est certaine : les moins de 18 ans sont très nombreux…, et un peu plus d’un quart des fidèles répartis entre 18 et 25 ans. Un autre quart se répartit entre 26 et 34 ans. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que des initiatives comme MLK Districts (Q57) ciblent adolescents et jeunes adultes. Seuls 18,6% des fidèles interrogés par MLK ont plus de 50 ans, ce qui invite à faire l’hypothèse d’une moyenne d’âge de moins de 30 ans, très sensiblement plus basse que pour l’ensemble du protestantisme, tel que mesuré par exemple par l’IFOP. Ce décalage s’explique aisément. L’enquête IFOP souligne ainsi une forte surpratique de la jeunesse. Ce que l’on retrouve dans l’enquête auprès des pratiquants de l’église MLK, qui s’avèrent plutôt jeunes, voire très jeunes.

Le style de culte moderne proposé par l’église MLK et l’offre de multi-activité attirent par ailleurs un public urbain et multiculturel qui s’avère, sur le plan géographique, d’une diversité marquée (Q5) : 59,9 % des fidèles sont nés en France métropolitaine, 12,5 % dans les départements d’outre-mer, 19,7 % en Afrique, 3,3 % en Europe hors France, et le reste en Asie, Océanie ou Amériques. En comparaison, l’IFOP 2024 (Q25) indique que 87 % des protestants sont nés en France, avec une faible représentation des populations issues de l’immigration -ce qui reflète en partie un biais méthodologique de ce type d’enquête par échantillon représentatif-. Le décalage est important avec les données IFOP. L’apport international est bien plus marqué dans l’église MLK.

Les origines parentales accentuent cette diversité observée à MLK : 38,5% des pères et 38,0% des mères des fidèles interrogés par MLK sont nés en Afrique, et 18,9% des pères et 18,6% des mères sont nés dans les DROM-COM. Ces chiffres démontrent un fort ancrage dans les populations issues de l’espace francophone africain et des territoires d’outre-mer. De plus, 8,6% des participants au sondage MLK résident hors de France, avec une répartition géographique mondiale notable (Belgique 2,2%, Suisse 1,2%, Canada 1,0%, Royaume-Uni 0,8%, mais aussi Allemagne, États-Unis, etc.). Cette forte présence de fidèles d’origine africaine et ultramarine à MLK reflète son ancrage en île-de-France -très multiculturel- et dans la francophonie, notamment via les diasporas antillaises et africaines, attirées par un culte vibrant et inclusif.

Les suggestions des fidèles MLK (Q68) incluent par ailleurs l’ouverture d’« ambassades MLK » à Rennes, Lyon, Lille, et à l’international, comme à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire). L’engagement numérique renforce cette portée internationale. Selon la Q41, 43,4 % des fidèles suivent MLK en présentiel et en ligne, et 17,4 % exclusivement en ligne ; on se situe ici dans des proportions plus élevées que dans la moyenne du protestantisme français. Les répondants, y compris au Québec (Q68), plébiscitent les prédications et l’adoration en ligne via podcasts et réseaux sociaux. La célébration bilingue (Q53, jugée « excellente » par 67,4 % des 3739 participants) facilite l’accès à un public francophone mondial, contrairement à des églises protestantes plus traditionnelles, majoritairement locales (IFOP). 

Une communauté tournée vers l’avenir

La force de la jeunesse, habituée dès le berceau à une offre de loisir et de sens très diversifiée et compétitive, dopée aux réseaux sociaux, explique-t-elle le taux de satisfaction élevé exprimé envers MLK ? Le fait est que la sur-représentation de la jeunesse, dans cette megachurch pionnière, n’est pas le fait d’une habitude, d’une pratique traditionnelle, mais d’un choix comparatif : sur le marché francilien, la megachurch MLK apparaît à bien des égards comme un « pôle d’innovation religieuse » (3), qui plaît à beaucoup de jeunes chrétiens, quelles que soient leurs origines. Les taux de satisfaction exprimés dans l’enquête en témoignent. 75,21 % jugent la louange « excellente » (Q48), et 84,16 % trouvent la communication satisfaisante (Q59). Les suggestions (Q68) témoignent d’un désir d’expansion, avec des idées comme des formations bibliques, des partenariats avec des églises locales, ou des cultes thématiques (pour motards, artistes, etc.). la « religion pour espoir », qui innove et évangélise, domine ici sur la « religion pour mémoire ». Un constat confirmé par la très forte proportion de fidèles MLK qui ne viennent pas d’un horizon protestant : 43,42% (Q3), contre 25% à l’échelle de l’ensemble du protestantisme français (IFOP 2024).

L’enquête MLK 2025 offre un éclairage précieux sur une megachurch francilienne dont la composition est notablement distincte du protestantisme français dans son ensemble, tel que dépeint par l’IFOP 2024. La prédominance de la jeunesse et des femmes, à l’Église MLK, y serait plus marquée que la moyenne protestante nationale. Surtout, l’ancrage profond de cette megachurch en France mais aussi dans la francophonie et l’international, visible à travers les lieux de naissance des membres et de leurs parents, ainsi que la résidence de ses fidèles, contraste avec le profil plus « national » de l’échantillon IFOP. L’Église française MLK se positionne ainsi comme un acteur clé de la diversité et de l’internationalisation du protestantisme évangélique en France, capable de rallier des fidèles issus de parcours migratoires et de rajeunir les cadres.

(1) « Les protestants en France métropolitaine, pratiques, croyances et orientations, IFOP pour la Fédération Protestante de France », IFOP, décembre 2024

(2) Yannick Fer et Gwendoline Malogne-Fer (dir), Femmes et pentecôtisme, enjeux d’autorité et rapports de genre, Labor et Fides, 2015

(3) Bernard Coyault, « Un pôle d’innovation religieuse au sein des Assemblées de Dieu de France L’Église Martin Luther King de Créteil », Perspectives Missionnaires n°78, 2019, p.85-95