Cette enquête reprend une large part du questionnaire IFOP 2024 sur le protestantisme, tout en rajoutant quelques questions propres. Premier volet de notre analyse du profil des pratiquants qui participent à l’église MLK Grand Paris du pasteur Ivan Carluer, située à Créteil (Val-de-Marne).

L’Église MLK Grand Paris, implantée à Créteil, se distingue par la diversité et la jeunesse de son public, comme en témoigne l’enquête quantitative menée auprès de ses membres. Les données de l’IFOP 2024 sur le protestantisme en France s’appuient sur une autre méthodologie, celle de l’échantillon représentatif (700 réponses). C’est en gardant à l’esprit ce décalage qu’une mise en perspective peut permettre de dégager certaines singularités marquantes. Tant dans les profils démographiques que dans les pratiques religieuses et les engagements sociaux des fidèles de l’Église MLK, le constat général est celui d’une diversité qui déjoue les clichés.

Une pluralité spirituelle et identitaire

L’enquête MLK (Q2) met en lumière, chez les fidèles, une très large palette de sensibilités religieuses. Une nette majorité (68,9%) se revendique « évangélique », suivie de 17,2% de « pentecôtistes ». L’Église MLK, avec sa forte proportion d’évangéliques, est clairement un acteur majeur de la dynamique évangélique observée, plus globalement, par l’IFOP à l’échelle de tout le protestantisme. Mais bien d’autres affiliations apparaissent : catholique (6,6%), charismatique (6,3%), réformée, luthérienne, orthodoxe, ou encore sans étiquette. Des réponses atypiques, comme hindouiste, orthodoxe éthiopien ou « c’est Jésus il n’a pas de religion », témoignent d’une fluidité identitaire, où la relation personnelle avec Dieu prime souvent sur les dénominations traditionnelles. « M’en fou je suis chrétien », observe l’un des répondants. « Je me sens juste chrétienne », dit une autre. En comparaison, l’IFOP 2024 montre que 80 % des protestants français s’identifient clairement à une branche (luthérienne, réformée, évangélique), avec moins de 10 % revendiquant une identité « sans étiquette ». On reste dans des ordres de grandeur assez proches, avec une fluidité spirituelle, à MLK, qui reflèterait une approche inclusive, où les frontières confessionnelles s’estompent au profit d’une spiritualité centrée sur Jésus.

En termes de parcours religieux (Q3), 56,58 % des répondants MLK déclarent avoir toujours été protestants ou évangéliques, contre 43,42 % ayant rejoint ces courants plus tard. A partir de son échantillon, l’IFOP 2024 indique de son côté une proportion plus faible (un quart) de convertis issus d’un autre arrière-plan confessionnel. La megachurch évangélique MLK se distingue ainsi, comme d’autres congrégations de ce type, par une attractivité et une dynamique prosélyte affirmée, tournée vers des catégories de la population -en particulier des catholiques- qui ne sont pas nécessairement déjà socialisées dans une Église protestante.

Engagement et pratiques religieuses

L’IFOP 2024 révèle que 21% des protestants français fréquenteraient le culte hebdomadairement. Les personnes interrogées par l’église MLK font partie de ces pratiquants. Ils témoignent d’une forte assiduité, au sein d’une église qui ne cesse de croître. Selon la Q10, 63,8 % des 4430 participants assistent aux célébrations chaque semaine, et 23,25 % au moins une fois par mois. Le mix entre présentiel et distanciel (43,4%) témoigne également d’une adaptation aux modes de vie modernes. De plus, la Q11 montre que 59,6 % lisent la Bible au moins une fois par semaine, contre seulement 20 % des protestants de toutes tendances dans l’étude IFOP, et 39% des protestants évangéliques interrogés par l’IFOP. On s’inscrit bien ici dans un milieu chrétien de type évangélique, marqué par une tendance à valoriser un haut régime d’intensité du Croire.

L’enquête met également en évidence un fort engagement chrétien communautaire. La Q14 indique que 21,94 % des répondants sont bénévoles dans des activités ecclésiales, 20,63% dans des associations protestantes ou évangéliques d’intérêt général, et 11,92% dans des associations laïques. En comparaison, l’IFOP 2024 note un taux d’engagement assez similaire, mais avec une répartition différente. Si seulement 11 % des protestant interrogés par l’IFOP s’investissent dans des activités bénévoles religieuses, 25% s’engagent dans des associations laïques. L’activité associative, à MLK, s’exercerait ainsi sous des couleurs plus explicitement chrétiennes, tandis que l’engagement dans des associations laïques serait plus important parmi l’échantillon protestant général interrogé par l’IFOP.

Une Église plus LFI que RN ?

Les positions sociétales des fidèles de MLK, bien que variées, montrent des tendances conservatrices conformes à ce que l’on connaît des axes défendus par beaucoup de protestants évangéliques. Par exemple, la Q23 révèle que 75,7 % des 3958 participants qui ont répondu sont défavorables à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté (41,7 % tout à fait défavorables, 34,1 % plutôt défavorables). Pour l’ensemble du protestantisme, l’IFOP 2024 indique une opposition bien moins importante à ces mutations autour du rapport à la fin de vie. Sur cette question de l’« aide à mourir », les fidèles protestants s’avéreraient donc plutôt plus conservateurs que l’image moyenne donnée par le protestantisme d’après l’IFOP 2024. Sur l’avortement (Q24, 3956 réponses), les données MLK montrent une forte opposition (3/4 des réponses) à la constitutionnalisation de l’IVG. C’est un décalage significatif avec les données de l’IFOP 2024, qui montrent en miroir inversé, que 74 % des protestants interrogés acceptent la constitutionnalisation de l’IVG (40% « tout à fait favorable, et 34% « plutôt favorable »). Là encore, on constate, sur ces questions, un conservatisme éthique beaucoup plus marqué du côté des fidèles de l’Église MLK.

Sur l’immigration et l’accueil de l’étranger (Q27), les réponses de MLK s’avèrent, en revanche, nettement plus « progressistes » que la tendance protestante nationale mesurée par l’IFOP. Plus de 80% des 3906 répondants qui ont répondu à cette question ont une appréciation positive ou très positive de l’apport de l’immigration, et de l’impératif d’accueil. C’est plus que l’IFOP 2024 (enquête dans laquelle 44 % des répondants y voient un bénéfice). Quand seulement 4, 39% des répondants de l’église MLK sont d’accord avec l’idée que « nous ne pouvons pas accueillir plus car nos valeurs sont trop différentes et cela pose des problèmes de cohabitation », c’est le cas de 60% des personnes protestantes de l’échantillon IFOP. Le décalage est énorme. En matière de valeurs d’hospitalité, d’ouverture interculturelle, d’accueil de l’immigré, l’Église MLK tranche fortement, par rapport à une forme de moyenne protestante française, par un refus très ferme de la xénophobie, et un rejet de la fermeture identitaire. Point de nationalisme étroit ici, mais un large accueil de l’autre.  

Politiquement (Q33), 53,41 % des répondants MLK déclarent n’avoir aucune sympathie partisane, un chiffre assez proche des données recueillies dans l’échantillon de l’IFOP 2024. Toutefois, MLK montre un soutien notable, qui peut presque paraître surprenant, pour La France Insoumise (16,69 %) et le Parti Socialiste (10,25 %). Ces chiffres, qui datent du printemps 2025, s’inscrivent dans un contexte où la gauche socialiste et LFI atteint à peine un quart des intentions de vote de la population française. Un certain tropisme de gauche s’observerait donc ici. L’adhésion à Renaissance semble en revanche plus faible à MLK que dans la moyenne protestante. Et l’adhésion au Rassemblement national n’est que de 3,79 ! En définitive, si l’on intègre aussi l’écologie, les fidèles qui fréquentent l’Église MLK présentent un profil qui déjoue certains clichés qui surlignent le conservatisme politique marqué des évangéliques.

On découvre ici une Église qui penche plus du côté de LFI que du RN, rejoignant certaines hypothèses avancées en 2022 (2). Dans les remarques qualitatives que les fidèles ont eu la possibilité d’apporter, on retrouve cette orientation, par exemple avec ce commentaire : « Ne plus inviter Christine Kelly à prendre la parole lors du culte. Ses prises de position dans les médias sont à l’encontre des valeurs de solidarité et de fraternité du chrétien. De manière générale éviter d’inviter des personnes « politisés » à prendre la parole en public pour éviter les amalgames ». Une certaine inclinaison à gauche, chez les fidèles qui fréquentent en présentiel l’église MLK, pourrait refléter l’influence de son public francilien jeune et diversifié. Elle rappelle, plus généralement, que l’évangélisme français est politiquement pluriel, à rebours de certains clichés facile sur une présumée « internationale réactionnaire » (sic).

En conclusion, l’Église MLK Grand Paris se distingue par la capacité à attirer un large public et à mettre en musique la diversité, tant sur le plan démographique que spirituel.  Son dynamisme attire des fidèles jeunes, issus de diasporas, et fortement engagés. Entre écarts et convergences avec les données IFOP 2024, l’église MLK s’affirme comme l’incubateur d’un protestantisme évangélique francilien inclusif et connecté, qui déjoue les clichés. A suivre…

(1) Enquête quantitative interne réalisée par et pour l’Église MLK Grand Paris, qui reprend et complète les questions de l’IFOP 2024, plus de 4200 réponses (variabilité suivant les questions) dont 3600 adultes en présentiel (résultats communiqués en mai 2025)

(2) « Les protestants en France métropolitaine, pratiques, croyances et orientations, IFOP pour la Fédération Protestante de France », IFOP, décembre 2024

(3) Cf. « La Sainte Alliance des Cévennes et des banlieues », Réforme, n°3944, 28 avril 2022, p.4 (analyse du vote protestant aux Présidentielles 2022)