La dyslexie est un trouble spécifique de l’apprentissage qui affecte la capacité à lire et à écrire. Elle touche près de 8 % de la population et pourtant reste largement méconnue dans le monde professionnel. Souvent invisible, la dyslexie peut être source de souffrance, mais aussi révéler des compétences uniques. Lumière sur ce trouble du langage avec Bertrand Descours, directeur général de Lili for Life, une start-up française innovante dédiée à l’inclusion.

La dyslexie se manifeste par des confusions et inversions de sons et de lettres, des fautes d’orthographe, voire même une écriture incompréhensible. Elle est souvent associée aux enfants et pourtant elle peut accompagner les adultes tout au long de leur vie professionnelle.

C’est un trouble cognitif qui reste présent, même si l’on a fréquenté les orthophonistes dans son enfance. On a acquis des compensations, mais malgré tout, le cerveau fonctionne différemment. À l’âge adulte, et avec le vieillissement, on retrouve ces difficultés, qui persistent effectivement toute la vie.

La dyslexie est taboue dans le monde professionnel : près de 59 % des collaborateurs dyslexiques n’osent pas en parler au travail. Elle peut en effet avoir des conséquences sur le salarié et potentiellement sur ses performances professionnelles.

C’est véritablement un tabou. Les difficultés ressenties pendant l’apprentissage scolaire sont fortement présentes à l’esprit des personnes dyslexiques quand elles se retrouvent en entreprise mais, en vérité, elles ont envie de passer à autre chose. Donc elles n’osent pas en parler à leurs employeurs. Elles ont effectivement peur que ce soit une cause de déclassement et un frein à la promotion. Elles sont aussi en recherche de solutions et comme elles ne les connaissent pas toujours, elles restent silencieuses sur leur dyslexie.

La dyslexie est un trouble du langage lié à la lecture et aussi à la rédaction, à l’écrit. C’est une activité clé dans la vie professionnelle, avec la gestion des e-mails et des écrits. Donc pour un adulte, même s’il a des parades et le sentiment d’avoir compensé, c’est une fatigue cognitive constante. Ça entraîne aussi une fatigue psychologique parce que certaines tâches, comme la lecture à haute voix par exemple, sont parfois très culpabilisantes. De ce fait, vivre sa dyslexie en entreprise est parfois un parcours du combattant.

Lili for Life intervient auprès de grands groupes pour parler de la dyslexie et sensibiliser. À chaque fois, nous rencontrons des collaborateurs qui osent parler de leur dyslexie. Ils peuvent amener des éléments importants à leur entreprise, mais encore faut-il qu’ils acceptent de les révéler. D’ailleurs, beaucoup de gens connus, ayant eu de vraies réussites professionnelles, sont dyslexiques. Bill Gates et Steve Jobs étaient dyslexiques. On a dans le domaine de l’art aussi plein de gens dyslexiques. Je pense à Mika et à des acteurs comme Keira Knightley, par exemple. Plein de gens qui, par leurs compétences, ont fait progresser la société et qui, pour autant, étaient dyslexiques.

Ce trouble du langage est souvent considéré comme un frein, voire même un handicap. Pourtant, la dyslexie peut aussi être une source de talent et plus particulièrement dans le milieu professionnel. Pour les révéler et les valoriser, il est nécessaire de changer les mentalités.

Nous sommes totalement convaincus que lorsqu’on est dyslexique, on a un mode de fonctionnement différent. D’ailleurs, je ne sais pas si nos auditeurs le savent, mais dans le réseau professionnel LinkedIn, on peut inscrire des compétences, parmi lesquelles on trouve la pensée dyslexique. La pensée dyslexique est une capacité à raisonner avec un mode plutôt orienté solution, à être très visuel et très imagé et qui permet donc de faciliter l’accès à la compréhension pour d’autres personnes. Ce sont aussi des forces de relations interpersonnelles. Donc oui, la dyslexie apporte beaucoup de choses.

La première des choses, je pense, est de sensibiliser l’intégralité du personnel. La dyslexie touche près de 8 % de la population. Si tout le monde n’est évidemment pas atteint de ce trouble, tout le monde le côtoie. On peut croiser à chaque étape de sa vie professionnelle quelqu’un de dyslexique. Donc il est important de comprendre son fonctionnement, les difficultés qu’il peut rencontrer et surtout la façon d’utiliser au mieux ses capacités. Les personnes dyslexiques sont très orientées projets et solutions. Elles ont souvent des fulgurances pour avancer. Donc oui, l’entreprise a un rôle à jouer dans cette sensibilisation auprès du personnel. Et puis, Lili for Life a développé avec des chercheurs une technologie avec une lumière spécifique qui se déploie à travers une lampe, la lampe Lili, et à travers un écran spécifique utilisable avec son ordinateur portable et qui va, avec ce scintillement lumineux, permettre de faciliter la lecture pour les personnes dyslexiques. Donc oui, l’entreprise doit faire parler de la dyslexie, valoriser ses profils et équiper les collaborateurs pour alléger leur difficulté.

Dans les grands groupes, il y a toujours des départements dédiés à la diversité, parfois au handicap, même si c’est un mot un peu dur, mais en tout cas des personnes à l’écoute de profils un peu différents et capables d’accompagner les personnes dyslexiques. Ensuite, il y a des entreprises comme Lili for Life, qui vous permettent de découvrir beaucoup d’informations, d’idées reçues remises à mal et d’éléments de réassurance, pour montrer que lorsqu’on est dyslexique et qu’on est en entreprise, on a intérêt à le faire savoir.

Un podcast de Phare FM