Le loup, longtemps disparu de nos paysages, fait un retour remarqué dans le massif du Jura et au-delà. Depuis quelques décennies, il effectue un retour discret mais significatif dans nos montagnes et forêts. Ce phénomène suscite autant d’émerveillement que de débat. Eric Jaquet, président de l’association Avenir Loup Lynx Jura, œuvre pour une meilleure compréhension et cohabitation avec les grands prédateurs. Le loup, éradiqué de nombreuses régions d’Europe au cours du XXe siècle, fait aujourd’hui un retour remarqué.

C’est un retour naturel. S’il revient, c’est que les conditions sont favorables. Maintenant, on a de nouveau des cerfs élaphes et, s’il y a des cerfs, en général, les loups suivent dans les 3 à 5 ans. Tout est réuni pour que le loup revienne aussi bien en Suisse qu’en France.

En Suisse, on compte environ 300 à 330 loups, dont 25 à 30 dans le massif du Jura. Mais maintenant, il y a une éradication très forte. Il faut savoir que, l’année dernière, 120 loups ont été tués. On a choisi la solution de facilité, c’est-à-dire qu’on régule à tout va. La France régule 18 à 20 % des loups chaque année, sans faire de distinction. En Suisse, on était plus pragmatique jusqu’à il y a deux ans. On faisait des analyses ADN pour voir qui avait fait cette prédation. Maintenant, on se rend compte que ça coûte trop cher et que ça prend trop de temps. C’est une gestion préventive, proactive des loups, comme ils disent. On n’est pas du tout d’accord avec ça. Pour nous, c’est un massacre organisé. En France, je crois savoir qu’il y a environ 1 000 loups. Mais la population lupine en France est aussi légèrement en régression ces deux dernières années, suite à la pression de la régulation et également du braconnage. Il y a aussi des accidents de la route, parfois plus ou moins volontaires. En France, le loup est vraiment très, très braconné.

Le loup est entouré de mythes et de croyances souvent négatives. Ces représentations persistent encore aujourd’hui bien qu’elles soient éloignées de ce qu’est vraiment le loup.

On est toujours resté avec le grand méchant loup, le sauvage dans la forêt qui fait peur à tout le monde, comme par exemple dans le petit chaperon rouge. Certains disent encore que c’est dangereux d’aller en forêt à cause des loups, mais ce n’est pas vrai du tout. Il y a plus de risques avec un sanglier, par exemple, ou un cerf en rut. Avec le loup, il n’y a quasiment aucun risque. Généralement, il craint l’homme comme la peste, à part quelques loups en dispersion, en général des jeunes, moins farouches, qui s’approchent des villages ou des maisons. Mais en général, le loup nous craint vraiment beaucoup.

Le loup est bien plus qu’un animal sauvage, il est le miroir de nos peurs, de notre histoire et de notre rapport à la nature. Il a un rôle particulier dans la biodiversité et notamment dans la régulation des populations, participant ainsi à l’équilibre des écosystèmes.

Concernant les grands herbivores comme les cerfs ou les plus petits, les chamois, les chevreuils, c’est clair que le loup joue un grand rôle pour la dispersion. On a remarqué que, lorsqu’il n’y a pas de loups, les cerfs sont très sédentaires et massacrent une forêt parce qu’ils restent tout l’hiver au même endroit. Donc, le retour du loup permet de stimuler les animaux, les herbivores, qui doivent être plus vifs, plus attentifs et qui vont plus bouger. C’est une très bonne chose, parce que le loup reprend la place qui lui revient de droit. Les chasseurs ne vont pas être d’accord, parce que le loup représente pour eux une concurrence. Le loup est un très, très bon chasseur. Son retour est un symbole fort. Il y a quelque chose qu’on ne contrôle pas vraiment, même si maintenant on veut absolument essayer de contrôler l’extension du loup.

L’élevage est souvent présenté comme incompatible avec la présence du loup. Il existe pourtant des solutions pour favoriser une cohabitation apaisée entre le loup et les éleveurs.

Les éleveurs, pendant près de 100 ans, n’ont pas eu ce problème avec les loups. Avant, on savait se protéger des loups. C’est clair qu’il est plus simple de les éradiquer que de se protéger. Mais maintenant, on ne devrait théoriquement plus avoir le droit de les éradiquer, car il est protégé. Il existe des mesures qui fonctionnent très bien. Il suffit d’un berger, par exemple. Tout le monde ne peut pas avoir un berger de jour et un de nuit, mais c’est ce qu’il faudrait, car c’est le moyen le plus simple. Nous faisons aussi partie d’une autre association qui fait de la surveillance de nuit. Ça fonctionne très, très bien et ça a été prouvé. On teste également plein d’autres mesures, comme des filets électriques d’1,30 m. Il y a aussi des flashballs : des appareils automatiques qui envoient des flashs. La dernière version est qu’il suffirait d’avoir des enregistrements de voix humaines. Si le loup entend des voix humaines, il s’en va. Donc, il y a des solutions, mais il faut accepter de s’adapter ou alors accepter d’avoir des pertes.

Une émission de Phare FM.