11 février 1979 : la chute du régime du Shah, en Iran. Il s’agit de la première révolution islamique de l’histoire qui triomphe, note Jean-Pierre Filiu, dans un article publié dans Le Monde des religions. Cette victoire va encourager “toute une génération de militants anti-impérialistes, subjugués par la victoire de l’ayatollah Khomeyni (1902-1989)”, à passer “du marxisme le plus intransigeant à l’islamisme le plus radical”, écrit le professeur des universités en histoire du Moyen-Orient à Sciences Po Paris.
Un peu plus d’un mois plus tard, le 26 mars, un traité de paix entre Israël et l’Égypte est scellé, sous l’égide du président américain Jimmy Carter. Une importante victoire pour Israël sur trois volets. “Symbolique, par la reconnaissance formelle et l’établissement de relations diplomatiques avec l’Égypte, le plus important pays arabe ; stratégique, avec la neutralisation de son plus formidable adversaire ; politique, avec l’éclatement du camp arabe”, analyse Jean-Pierre Filiu. Le 4 novembre de la même année, l’ambassade des États-Unis à Téhéran, capitale de la République islamique, est prise d’assaut : soixante-six américains sont pris en otage par des “étudiants de la ligne de l’imam (Khomeyni).” Un peu plus de deux semaines après, le 20 novembre, relate l’intellectuel, le monde musulman est secoué par le siège de la Grande Mosquée de La Mecque par des insurgés : des rumeurs selon lesquelles le lieu le plus sacré de l’islam est occupé par les forces américaines se répandent.
“Séquelles profondes dans le monde musulman”
C’est à cause de ces rumeurs, reprend l’historien, que des milliers de manifestants vont défiler dans les rues d’Islamabad, au Pakistan : l’ambassade des États-Unis sera également prise d’assaut par les émeutiers. Au même moment, le siège de La Mecque a toujours lieu : il se soldera par l’intervention du GIGN français et, officiellement, 127 morts dans les rangs des forces de sécurité et 117 chez les insurgés. Pendant ce temps, en Afghanistan, le parti communiste local doit faire face à des soulèvements islamistes et à des luttes de factions internes. Pour tenter d’éviter l’effondrement du régime communiste, l’URSS intervient. Celle-ci aura pour conséquence “une levée en masse du djihad insurgé, sous la conduite de commandants charismatiques, tel Massoud (1953-2001)”, relate Jean-Pierre Filiu.
Pour l’historien, ces événements de l’année 1979 laisseront “des séquelles profondes dans le monde musulman” : “L’islam politique supplante le nationalisme anti-impérialiste comme force la plus à même de s’opposer aux États-Unis et à Israël. Mais, en Iran, la révolution islamique va, avec la guerre contre l’Irak, durcir sa dimension chiite, aggravant un conflit de nature communautaire au sein de l’islam”.