Souvent, lorsque vous franchissez un pont, vous ne voyez rien de ce qui a permis le petit miracle de passer d’une rive à l’autre. Mais si vous passez dessous, vous découvrez l’ouvrage de pierres, de bois ou de métal qui prend appuis sur une rive, franchit et rejoint l’autre rive. Sous le pont vous pouvez rester : il vous offre un abri. L’arche du pont définit un lieu en soi. Nous y apprécions avec plaisir la distance qui sépare les deux rives, l’écoulement de la rivière et l’espacement contenu par l’arche. Nous sommes reliés et séparés, sous une forme élancée qui nous protège sans nous enfermer.

Dans les premiers temps de la Réforme, au sud de la France, une famille de temples s’est répandue, où on s’assoit comme on s’assoit sous un pont, sous une arche. Le seul témoin qui reste de cette famille est le temple du Collet de Dèze, construit vers 1646.

Venir chercher

Au temple du Collet de Dèze, un arc de pierres « vient chercher » à la porte les personnes qui arrivent dans le temple ; elles sont mises en relation par cet arc directement avec le lieu de conduite du culte. D’entrée, l’arc installe un vis-à-vis à travers la distance, une situation de franchissement, de dialogue, d’appel et de réponse qui s’adresse jusqu’aux derniers arrivés et qui constitue sous l’arc l’espace de l’assemblée. Sous l’arc nous trouvons notre place. Il s’élève à 7 m au-dessus du sol. Son élévation nous donne de l’espace, de l’oxygène. Il nous installe dans un point de vue contemplatif. La symétrie de l’arc fait que lorsque l’assemblée se retourne à la fin du culte pour repartir dans le village, elle fait face à un pied d’arc qui est identique à celui situé derrière la personne qui conduit le culte. Revenir dans le village ne signifie pas tourner le dos à l’annonce de l’Évangile, mais au contraire aller avec lui dans le monde extérieur.

À portée de voix nue

La portée de l’arc est ici de 9,90 m, une distance à laquelle on peut encore se parler à voix nue, où le visage est encore perceptible. La largeur de l’arc est de 65 cm, celle d’un passage pour une seule personne. Les mesures manifestent donc l’intention de s’adresser à chaque personne de l’assemblée, à son visage, à sa voix. Mais qui s’adresse à qui ? Le sol historique découvert l’année passée n’a révélé par ses ornementations aucune trace de chaire fixe ou de table fixe. Le lieu de conduite du culte est marqué au sol par une rosace construite avec une multitude de galets venant de la rivière voisine. Comme pour dire que la parole prophétique et la communion étaient interchangeables, des événements pouvant survenir ici et ailleurs.

Ce dispositif fut trouvé à Nîmes au 16e siècle : il fallait construire un arc pour porter une toiture et transformer en temple une cour où les murs des bâtiments autour existaient déjà. Placé en longueur entre l’entrée et le lieu de conduite du culte, l’arc fut adopté pour les temples réformés du sud de la France et considéré dans l’Europe comme une contribution remarquable à l’architecture des temples protestants.