Que vous évoque la thématique Bible & sport ?

Joël Thibault : Je trouve que la Bible est tout particulièrement intéressante sur la question du corps parce qu’il ne peut pas y avoir de sport s’il n’y a pas de corps en action. J’aime ce verset de Romains 12.1 : « Offrez votre corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable. » En tant que sportif, ça me parle car cela m’invite à ne pas cloisonner ma vie. Je pense que pendant longtemps, l’Église, quelle qu’elle soit, a eu du mal à valoriser le corps. Pourtant, Jésus était un grand marcheur. On sait aujourd’hui que l’activité physique est bonne pour notre santé et que nous sommes appelés à honorer Dieu dans notre corps (1 Corinthiens 6.20). Cependant, le sport de haut niveau peut être traumatisant pour le corps. Tout est question d’équilibre. Il y a des chrétiens qui ne prennent pas assez soin de leur corps, d’autres qui en ont fait une idole et du sport une addiction.

Y a-t-il des passages bibliques qui reviennent régulièrement dans vos échanges avec les sportifs ?

Les psaumes 23 et 27 ont leurs préférences : « L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien » et « L’Éternel est mon salut : de qui aurais-je crainte ? ». Je leur dis souvent qu’il y a beaucoup de choses dans le psaume 23 et qu’il ne faut pas s’arrêter aux premiers versets, ceux qui sont les plus connus. Il y a la notion de table avec les ennemis, la rencontre, la ré- conciliation. Le sport, c’est aussi des moments de tension, notamment avec les entraîneurs. C’est l’occasion de pousser la réflexion un peu plus loin. Le danger pour les sportifs, c’est d’instrumentaliser la Parole pour chercher le succès. Alors que ce qui intéresse Dieu, c’est la transformation de notre cœur et de notre caractère. C’est plus dans cette direction finalement que je vais orienter mon accompa- gnement. Je ne veux pas proposer une potion magique ou un saupoudrage en prenant des versets qui font plaisir et en les coupant parfois à notre convenance. Je ne pense pas qu’il y ait un Évangile pour les sportifs. Il y a l’Évangile. Il est pour tous et il peut aussi atteindre les sportifs.

Est-ce qu’il y a des personnages de la bible qui parlent plus aux sportifs ?

Jésus fascine les sportifs par son humilité, sa persévérance et son sens du sacrifice. Ils aiment aussi beaucoup le roi David. C’était un guerrier. La comparaison est souvent utilisée. Les journalistes se sont notamment beaucoup inspirés de l’image du duel entre David et Goliath. On dit tout et n’importe quoi d’ailleurs à partir de ce passage.

Il y a Joseph également. Sa vie est atypique. Il a connu de nombreuses épreuves avant d’atteindre un moment plus glorieux. Mais on voit que ce n’était pas la finalité. Il en est arrivé à gouverner l’Égypte pour aider d’autres personnes. Or, souvent la finalité du sportif, c’est sa propre gloire. Ça les fait réfléchir. Voilà en tout cas quelques figures bibliques qui les marquent.

Qu’en est-il des références au sport dans le Nouveau Testament ?

L’apôtre Paul utilise beaucoup d’images en lien avec le sport, mais il ne le valorise pas forcément. Il s’en sert surtout comme une illustration. Il com- pare par exemple la vie chrétienne à une course pour encourager à la persévé- rance : « J’ai combattu le bon combat.

Comment se passe l’aumônerie sur les grands rendez-vous sportifs ?

Il y a des salles dans des hôtels, sur le village olympique, où les sportifs peuvent venir quand ils ont du temps. Les aumôniers sont à leur service. Mais ce qui est intéressant, c’est que souvent ils se connectent les uns aux autres. Il y a une forme de solidarité entre sportifs et les nations tombent. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni homme, ni femme, mais ceux qui sont unis en Jésus-Christ. On a là une belle illustration du passage de Galates 3.28. J’ai déjà vu des nations ennemies sur le terrain dont les sportifs priaient les uns pour les autres et s’encourageaient. C’est très beau et touchant ! Peu de personnes le savent. Pourtant, c’est ce que ces lieux de rencontre permettent. Il y a une vraie fraternité. En tant qu’au- mônier, on se tient à leur disposition. Certains nous demandent de prier avec eux, de lire un texte de la Bible ou de leur prodiguer des conseils. D’autres re- cherchent le silence. C’est rare de trou- ver des temps au calme dans notre so- ciété, et encore plus en tant que sportif lors d’une compétition. Ils sont souvent à deux ou trois par chambre, mangent ensemble. Le lieu de l’aumônerie leur permet de se recueillir. C’est beaucoup de relationnel en tout cas !

Comment se passe l’accompagnement spirituel plus régulier auprès des sportifs ?

L’accompagnement spirituel peut prendre des formes très différentes. Il se fait à leur rythme. Certains sportifs souhaiteront prendre un temps toutes les semaines à un créneau bien défi- ni. C’est gravé quelque part dans leur agenda et ils ne t’oublient pas. Du fait des contraintes liées au haut niveau, ils sont très souvent coupés d’une vie d’Église. Ils résident parfois à l’étranger, ne maîtrisent pas forcément la langue ou les heures d’entraînement ne permettent pas d’aller dans un lieu de culte. Je me rends alors disponible pour eux. La prière et l’étude de la Bible sont au centre de nos rencontres, le plus souvent à distance. J’accorde aussi beaucoup d’importance à être à leur écoute. C’est un temps où ils peuvent déverser tout ce qu’ils ne peuvent pas dire à d’autres.

Propos recueillis par Nicolas Fouquet, chef de projet à l’Alliance biblique française

Joël Thibault est l’auteur du livre « L’aumônier des champions » (Éditions du Cerf, 2023), il nous livre ici quelques réflexions concernant le rapport des sportifs à la Bible.