Tout commence par l’École Républicaine, qui n’est pas un lieu de laïcité rabougrie et sectaire mais un lieu de transmission qui nous permet de devenir autre. En classe de 3e, Baudelaire me réconcilia – moi, fils d’immigré italien – avec la langue française, m’en faisant découvrir l’exigeante beauté. En classe de 1re, ce fut Blaise Pascal qui me commotionna, moi le fils d’une famille athée, anticléricale.
Les phrases tombent comme des éclairs dans la nuit, me donnant « l’étonnement d’être », me conduisant au cœur du mystère, celui de notre présence sur terre. « Car enfin, qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti. » (Pensées, Blaise Pascal)
Le mystère de notre condition
L’adolescence est l’âge du trouble par excellence. De tous les troubles. La fracture ouverte par Pascal dans la vie quotidienne d’une jeunesse – fût-elle particulièrement tumultueuse – me fait vaciller ; le sol des certitudes ne tient plus. Il faut accepter le vertige.
Les Pensées dès lors s’offrent comme une lecture enveloppante et vibrante, qui met en vrille et, nous ouvrant sur le mystère de notre condition, nous conduit pas à pas vers une quête de sens, vers la recherche d’une justification.
En plein Mai 68, où tous les problèmes ne sont posés qu’en termes politiques, et censés être résolus par la politique, bien entendu comprise comme lutte des classes, voici qu’une parole déchire les jours et vient éclairer les nuits, mettant en miettes les données établies : « L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. »
Tout défile alors, la notion de divertissement, si contemporaine. Les illusions et les petits arrangements avec nous-mêmes. Mais en bout de lecture une évidence s’impose : (le néant et l’infini)… « Ces extrémités se touchent et se réunissent […] en Dieu, et en Dieu seulement. »
Vers plus de clarté
Une vie intérieure est alors possible, nécessaire. Elle s’impose tous les jours un peu plus ; elle s’impose tous les jours, pour aller de la nuit vers plus de clarté. Blaise Pascal nous met ainsi en mouvement, nous conduisant de mystères en quêtes, et nous incitant à lire toujours plus afin de nous enraciner dans l’Évangile.
Ainsi pouvons-nous avancer, toute une vie durant, entre illuminations et creusement.