«Tendance détox», chemin «vers une foi authentique» ou imitation du Ramadan ? Le nouvel attrait très médiatisé du Carême «paraît absurde quand on expérimente la foi comme une réponse à un surgissement toujours inattendu et sidérant du sentiment de la présence et de l’action de Dieu». Pour Jacqueline Assaël, cette «massification du message» destiné à «un groupe humain impersonnel et aveugle» est «abdication de la liberté individuelle, alors qu’il «n’y a pas moins routinier» que Jésus.
Tout est mélangé
Sur Internet, on tombe souvent sur des informations… déroutantes (1). D’après plusieurs articles convergents, je me suis aperçue que «les jeunes» devenaient actuellement adeptes du «Carême routine». Dans un premier temps, l’expression m’a scandalisée tant elle paraît absurde quand on expérimente la foi comme une réponse à un surgissement toujours inattendu et sidérant du sentiment de la présence et de l’action de Dieu, et, en conséquence, comme un essai de régénération et de conversion constantes de sa propre manière de pensée et de sa conduite personnelle.
Dans cette nouvelle mode qui semble se répandre au moins un peu, il est question «d’un partage de conseils, de règles de vie et de plannings devenu viral sur Internet» (2). On se demande alors d’emblée si, en déléguant sa pensée à un organisateur anonyme, et en suivant ses règles, on n’abolit pas l’esprit du Carême. Pour les filles notamment, qui sont appelées à suivre les recommandations d’influenceuses voilées comme des moniales, il s’agit de réduire leur maquillage; pour un plus large public, il est conseillé de combattre les addictions de toute espèce (écrans, cigarettes, etc.). Un magazine de santé s’est intéressé au phénomène et il identifie à travers ces nouvelles orientations de vie une «tendance détox» et l’attrait pour le «développement personnel» (3). Bref, tout est mélangé: le corps, la psychologie, et vaguement l’esprit, dans une confusion de pensée qui décourage l’analyse de ces comportements.
La différence de réactions apparaît abyssale entre la génération des post-soixante-huitards avides de liberté, rebelles aux interdictions et aux limitations, tout autant qu’hostiles aux habitudes bridant la créativité, et une jeunesse qui répond aux mots d’ordre «Il est interdit d’interdire» et «L’imagination au pouvoir !» par les hashtags du «Carême routine». Le vieux monde s’est effondré et l’absence de repères semble susciter des frustrations, des peurs et des réflexes de regroupement. Les divers articles de presse mentionnant ce phénomène de société l’expliquent en partie par une imitation de la pratique du Ramadan, dans la mesure où elle crée le confort d’une insertion communautaire (4). D’autre part, le rôle des influenceurs atteste d’un désir de constituer une masse homogène dont le nombre rassure, comme par un effet de solidarité, de chaleur humaine. La volonté de s’émanciper d’autorités adultes ne se révèle donc pas incompatible avec une aspiration à la conformité, dans le moule d’une classe d’âge.
D’aucuns pourront se féliciter qu’après tout, si cette mode dirige des adolescents vers l’Église, elle peut les conduire ultérieurement vers une foi authentique en créant des circonstances propices à une connaissance de la doctrine ou à l’emprise de Dieu à leur égard. En fait, je ne crois pas que les malentendus du «Carême routine» fassent naître une situation favorable à la rencontre avec Dieu. Car à propos de la réduction du maquillage préconisée sur certains sites pendant cette période, Santé Magazine précise que […]