Pour « comprendre » la Résurrection telle que les Évangiles en parlent, il faut, je crois, avoir été un peu heurté par la mort. Mais alors les mots ne suffisent pas toujours. J’ai enfin compris la Résurrection lorsque, après la mort tragique d’un être aimé, je me suis retrouvé assis dans la chapelle de la Résurrection construite par l’architecte Erik Bryggman à Turku, en Finlande. Il s’agit d’une chapelle de cimetière. Elle m’a touché. Elle m’a communiqué quelque chose de la Résurrection que j’ai pu vivre, quelque chose pour moi, alors que j’étais dans ce pays lointain.

Nudité et douceur des matériaux

Comment la Résurrection me rejoignit-elle ? Au moins de quatre façons. Tout d’abord, la composition de cette chapelle travaille sur la nudité, celle des surfaces blanches et du volume intérieur, par un modelé, de légères inflexions pour faire de la nudité non plus un vide indéterminé mais la naissance d’une forme qui pourrait être reconnaissable. L’équivalent du matin autour de soi. Ensuite, j’ai remarqué combien l’architecte prend soin ici de mon corps par ce qui m’est donné au toucher : les matériaux polis et doux des bancs, du sol, des colonnes, une chaire couverte de délicate marqueterie, descendue à hauteur humaine. Le corps est le lieu où le choc d’une perte est souvent le plus fort ; cette architecture manifestait une attention pour mon corps meurtri. En troisième lieu, j’ai bien vu comment la communauté des vivants à l’intérieur de la chapelle est associée par une longue ouverture latérale à celle des morts enterrés dans la forêt voisine, par un mouvement tournant qui nous réunit autour d’une table dressée comme pour une fête en pleine lumière. La chapelle me faisait ainsi prendre place dans une vision heureuse et puissante de la fin des temps. Enfin je me suis senti honoré par les longs lustres suspendus au-dessus de nous et qui ressemblent à des couronnes en or, comme si nous étions couronnés, nous qui avons aimé. Bien sûr, mes souvenirs des Évangiles sont entrés en résonnance avec cette composition architecturale. Et ce sont eux qui m’ont permis de passer d’une compréhension personnelle à une compréhension plus large, ouverte par la résurrection de Jésus. Mais il m’a fallu pour comprendre, à un moment, la médiation de cette chapelle qui a parlé à mon corps.

Le couronnement de l’espérance

Au fil des années j’ai surtout retenu de ce moment le couronnement par les lustres d’or.

Ils me rappellent l’autre couronne que Charles Péguy place en face de la couronne d’épines dans Le porche du Mystère de la deuxième vertu :

« Une couronne a été faite une fois : c’était une couronne d’épines… Mais une couronne aussi a été faite, une mystérieuse couronne… De rameaux bourgeonneux, de rameaux de fin mars. De rameaux d’avril et de mai. Toute faite pour aujourd’hui, pour en avant, pour demain. Afin de rattraper, afin de revaloir le couronnement de dérision… Et c’est la couronne, le couronnement de l’espérance. »