Par contraste avec d’autres confessions, la figure de Marie semble presque absente du paysage protestant. Pourtant Martin Luther a dit de Marie : « Marie nous enseigne, par l’exemple de son expérience et par des paroles, comment on doit reconnaître, aimer et louer Dieu » (Le Magnificat, p. 38-39). Je vous invite donc à un voyage pour redécouvrir ensemble la figure de Marie.
De multiples « oui »…
Marie est une figure biblique importante pour notre propre parcours de foi. Héritière des grandes figures féminines dans l’Ancien Testament comme Sara, mère d’Isaac, ou Anne, mère de Samuel, Marie découvre que Dieu rend possible ce qui était auparavant inimaginable. Et si Marie prend racine dans l’histoire du salut par son « oui » initial à l’annonce de l’ange Gabriel, son parcours est ponctué de différents « oui » de confiance qui tissent sa vie. Comme ce « oui » du Magnificat chanté, poétique, « oui » à Dieu qui a fait pour elle des merveilles, « oui » à ce Dieu qui prend le parti des plus faibles contre les puissants. Ou ce « oui » silencieux face à l’adoration des rois alors même que la myrrhe apportée, utilisée pour l’embaumement des morts, vient jeter une ombre menaçante sur la vie du nouveau-né. Ou encore cet autre « oui », aux noces de Cana, un oui de mère : « oui mon fils vous aidera », ce « oui » qui vaincra les réticences de Jésus et lancera son ministère.
…et un « non »
Une vie tissée que de « oui » à Dieu ? Une vie exemplaire, voire idéale ? Si nous fouillons dans la Bible, un épisode plus obscur vient à notre rencontre. La parenté de Jésus, y compris Marie, vient s’emparer de Jésus car elle pense qu’il est fou (Marc 3,20-21 et 31-35. Sur ce passage, voir Élian Cuvillier, Marie qui donc es-tu ?, p. 23). Un « non » retentissant, d’une mère qui s’inquiète et veut reprendre son fils, qui l’envoie chercher avant qu’il lui arrive malheur. Un « non » qui nous permet de nous sentir proches de cette femme, prise au doute, qui a peur pour son fils. Un « non » qui nous permet aussi de ne pas idéaliser Marie mais de l’aimer dans ce qu’elle peut nous dire de la fragilité du disciple, de la faiblesse de sa foi, mais également de sa persévérance. Car, au pied de la Croix, on retrouve cette femme juive et courageuse qui accepte de nouveau d’être mère, de devenir matriarche du peuple des disciples. Une battante.
Je me demande…
Je me demande si… Marie était vierge. La question de la virginité de Marie a fait couler beaucoup d’encre, d’autant plus qu’un épisode des évangiles mentionne les frères de Jésus (Matthieu 13,54-55). Il me semble que l’extraordinaire de la naissance de Jésus a pu se transférer sur la figure de Marie, qui, elle, n’a rien d’extraordinaire lorsqu’elle apparaît dans le récit. Elle est une jeune fille juive comme il y en avait tellement. En la mettant sur un piédestal, on manque le cœur du message de ce récit : Dieu choisit des personnes ordinaires pour faire avec elles, par elles, de l’extraordinaire, du merveilleux.
Je me demande si… Marie est la femme mentionnée dans l’Apocalypse. Certains attributs dans les représentations de Marie se rattachent en effet à l’Apocalypse : couronne d’étoiles, lune sous les pieds. Il semblerait cependant que cette figure symbolise plutôt l’Église dans sa fragilité face aux périls qui l’assaillent (Sur ce passage voir Élian Cuvillier, Ibid, p. 65).