Dans la liturgie de notre Église, l’engagement commun à tout ministre (local, régional, national, etc.) lui demande de poursuivre sa « formation spirituelle, théologique, humaine », afin de renouveler l’élan de son ministère. Pourquoi une telle exhortation ?
Contrairement à un enseignement, qui nécessite une « pédagogie » (guide pour enfant), la formation attendue pour les ministres de notre Église s’adresse généralement à des adultes. Et justement, le terme « andragogie » — des mots grecs ἀνδρὀς, « humain mâle (adulte) », et ἀγωγός, « guide ») — est apparu en Allemagne au xixe siècle pour désigner la formation pour adultes. Aujourd’hui, l’andragogie exprime ce que certains pratiquent déjà dans nos Églises : le partage de compé- tences et le transfert d’expériences au sein d’un groupe. La capacité d’adaptation de l’adulte et son aptitude au changement sont moins importantes que chez l’enfant, et son temps est moins illimité. Il n’est plus vraiment question ici d’enseigner, mais de se former, prendre forme, voire recadrer la forme renvoyée par les autres.
La formation andragogique est voulue et choisie par les apprenants, et elle est construite en fonction de leurs objectifs. Dans l’organisation de la formation, le contenu est élaboré avec les apprenants, et personnalisé pour mieux leur correspondre, en fonction des besoins déterminés ensemble avec le formateur, et des difficultés qui en sont liées. Les activités sont le plus souvent basées sur des techniques expérientielles en lien avec les soft skills (« compétences générales » plutôt relationnelles, complémentaires aux « compétences techniques » ou hard skills mesurables) : l’apprenant retient 10 % de ce qu’il lit, 50 % de ce qu’il voit et entend et 90 % de ce qu’il dit et fait.
L’environnement est informel et bienveillant car les apprenants s’entraident et ne sont plus dans la compétition comme cela se fait entre élèves ou étudiants en face d’un enseignant qui représente l’autorité. On quitte la morale du « il faut » pour celle du « je veux » d’un sujet autonome. Le formateur peut suivre le parcours de l’apprenant. Le cadre permet de savoir où ce dernier se situe en fonction des activités réalisées : il s’agit d’apprécier les motivations et d’encourager les progrès. Sur le plan personnel, le ministre en formation peut améliorer ses compétences, les faire évoluer et les transmettre à son tour. Il peut mieux gérer ses motivations dans l’apprentissage et dans l’exercice de son ministère.
Sur le plan communautaire, la culture de groupe peut être mieux développée, mieux évaluée, et mieux recadrée si nécessaire. Les échanges entre les membres du groupe dans les ateliers tissent le lien. Ils développent le réseau des compétences de chacun, en lui donnant l’occasion de raconter ses expériences vécues dans l’exercice du ministère, et la possibilité de mieux approfondir ses engagements communautaires.
Des valeurs protestantes comme le sacerdoce universel et l’égalité devant Dieu sont-elles ici mieux respectées ? Peut-on se passer de l’enseignement de référents culturels de notre protestantisme, notamment pour de nouveaux ministres ne les connaissant pas ? En tous cas, la formation andragogique offre au ministre, appelé à servir, l’occasion d’être réformé, et à nos Églises d’être réformées sans cesse par la Parole de Dieu.
Par Mino Randria, pasteur à Toulouse