Pardon : la signification de ce petit mot va de « fais-moi de la place » à un repentir profond. Simple excuse dans le premier cas, le pardon permet alors que notre vie en société reste de l’ordre du possible. À l’autre bout, celui du repentir, il y a un pardon absolu, quasiment impossible à l’humain : un pardon inconditionnel qui, pour le chrétien, découle de la « grâce première » d’un Dieu qui nous a aimé le premier et nous accueille sans conditions, malgré notre péché. Le sens le plus profond de cet amour se lit dans l’événement du Christ en croix où notre péché a été pardonné, sans rien demander en retour et sans réciprocité. Ce pardon offert en Christ doit mener l’humain à pardonner à son tour à son prochain.
Pour autant le pardon n’est pas magique. Ce serait trop facile. Ce n’est pas parce que je demande pardon que cela m’est accordé et, à l’inverse, ce n’est pas parce que j’offre mon pardon à quelqu’un que celui-ci va vouloir entrer dans une relation renouvelée avec moi. Le pardon ne se commande pas et se différencie de l’oubli.
Nous sommes pardonnés par Dieu non pas à cause de nos œuvres mais par la foi
En pardonnant à quelqu’un, je m’ouvre à la possibilité de renouer une relation avec cette personne qui sera différente de celle que j’avais avant (c’est là où on voit bien qu’il s’agit du contraire d’un simple oubli) mais qui peut être positive, à la fois pour moi et pour la personne concernée.
Le pardon est donc au centre du christianisme et particulièrement du protestantisme avec le principe de la grâce seule : nous sommes pardonnés par Dieu non pas à cause de nos œuvres mais par la foi. Le pardon de Dieu nous libère du poids du passé, de la culpabilité, d’un enfermement sur soi. Rupture radicale avec ce passé, il nous recrée et nous renouvelle. Cela ne va pas sans réconciliation : que ce soit avec moi-même, avec un autre ou avec Dieu. Il faut néanmoins faire mémoire du passé, lui donner une place, même si cela est difficile. Cela ne va pas sans parole non plus : parole qui dit le repentir d’un côté, parole qui renoue le lien cassé de l’autre.
Je me demande comment se pardonner à soi-même
Cela paraît souvent impossible… Ne faut-il pas être deux pour pardonner ? Comment trouver la distance à soi-même qui nous permet de nous pardonner ? C’est pour cette raison que souvent nous ne cessons de ressasser ce que nous avons dit ou fait de mal dans notre vie. Dieu seul peut nous sortir de ce ressassement.
Je me demande jusqu’où peut aller le pardon ?
La commission « Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud après l’apartheid a réussi, dans ce pays laïc mais marqué par une forte tradition chrétienne (anglicane notamment avec l’évêque Desmond Tutu), à mettre en route un processus de pardon. Il s’agit d’une forme de justice reconstructive qui permet de rétablir des relations interrompues. La victime et le bourreau peuvent ainsi retrouver une place dans la communauté.