Dès l’escalier de la Ferme des Tilleuls à Renens (VD), l’exposition Checkpoint 2, qu’il cosigne avec sa complice depuis vingt ans Audrey Cavelius, téléporte d’un coup les visiteurs dans la médina de Dakar: dans l’âme des migrants rentrés bredouilles, dépouillés des rêves qui les avaient lancés à la conquête de l’Europe. Fresque fourmillante, dessins et gravures oniriques et symboliques des espoirs fous d’avant le départ. S’y enchâsse, en puissante opposition photographique frontale, la réalité d’aujourd’hui de ces femmes et de ces hommes qui ont bravé en vain mille dangers et repartent à zéro au Sénégal, stigmatisés par leur fiasco. Poèmes de la désillusion, paroles désabusées ou sereines après l’échec, ils s’affichent courageusement, pour prévenir les jeunes tentés par l’exil: «Le chemin des pirogues n’est pas un chemin, il faut me croire. Vivre en Afrique est dur. Notre vie est dure. Et Dieu le sait.»

Checkpoint 2 est né à Dakar, où la Biennale de l’art africain 2021 avait accueilli l’exposition précédente, Checkpoint tout court (Ferme des Tilleuls 2021). L’œuvre collective réunit 56 jeunes migrants et marginaux galvanisés par le charisme de François Burland. De 2013 à 2022, ce créateur bouillonnant et sans limites – si vous doutez, allez voir son site, francoisburland.com – accueillait dans son atelier de jeunes migrants qui collaboraient à ses projets artistiques ébouriffants. Il a fondé l’association Nela («Accueillir, soutenir, parrainer et encadrer de jeunes migrant·es par le biais de projets culturels et sociaux»).

On l’a vu exposer à l’église Saint-François, à Lausanne (voir encadré); son engagement social hors du commun est-il dû […]